Désormais âgé de 26 ans, Paulo Dybala est à un tournant d’une carrière prometteuse et déjà riche en succès mais qui pourrait connaitre une ascension bien plus fulgurante qu’elle ne l’est actuellement. En réalité, le génial attaquant argentin n’est plus à présenter avec une étiquette de surdoué du football européen et une carte de visite qui compte déjà quelques sélections avec son pays argentin, mais son profil est si particulier et précieux que peu de ses entraineurs arrivent à en tirer la quintessence. Paulo Dybala est un joyau à polir, à accompagner, et le peu d’intérêt de ses entraineurs à la Juventus comme en sélection ne favorisent pas sa parfaite éclosion.
« La Joya » le surnom donné à Paulo Dybala lors de son arrivée en Italie, à Palerme, en provenance de Cordoba et de son Argentine natale reflète parfaitement le profil d’un talent brut au physique plutôt frêle mais capable à lui seul de débloquer une situation ou un match grâce à un coup de génie. Alors que Maurizio Sarri peine actuellement à faire décoller son joueur et à le faire atteindre le niveau qu’il devrait avoir au vu de son talent, le profil technique de Paulo Dybala interroge et son utilisation est un long questionnement tactique que peu d’entraîneurs ont correctement appréhendé pour le moment. Comme son compatriote Javier Pastore, c’est d’abord dans le club argentin de Cordoba que Paulo Dybala s’affirme petit à petit avant de rejoindre rapidement l’Europe et Palerme à seulement 18 ans. En trois saisons Dybala se fait un nom et attire l’œil de clubs plus prestigieux, avec une mise finalement raflée par la Juventus Turin en 2015 contre quelques 40 millions d’euros. Une somme déjà importante, mais les qualités de Dybala sautent aux yeux et le statut du club de la Vieille Dame devait permettre à Dybala d’atteindre les sommets. Force est de constater que cinq années plus tard, l’Argentin est encore loin du potentiel annoncé et malgré un profil assez clair à comprendre, son utilisation est un casse-tête pour ses entraineurs. C’est d’abord sous les ordres de Massimiliano Allegri que Paulo Dybala s’exprime à la Juventus, et encore aujourd’hui c’est certainement le seul entraîneur à avoir utilisé correctement son joyau.
Gaucher, attaquant avec un gabarit de poche (1m76), Paulo Dybala est un profil technique si rare qu’il en est bafoué. Pour ses premières saisons l’Argentin est souvent aligné aux côtés de Mario Mandzukic du côté de la Juventus et une complémentarité plutôt intéressante trouve alors écho grâce aux choix du technicien Allegri. C’est même lors de la saison 2016-2017 que le génial argentin a certainement trouvé son rendement le plus consistant avec un doublé coupe-championnat dans la poche et une finale de Ligue des champions disputée après avoir éliminé le FC Barcelone de Lionel Messi grâce à un doublé de Paulo Dybala. Sa comparaison avec son ainé argentin est d’ailleurs une donnée primordiale, qui encore aujourd’hui porte préjudice au joyau argentin. Avec les mêmes caractéristiques techniques, gauchers tous les deux, une capacité à éliminer balle au pied, et une vision de jeu bien au-dessus de la moyenne, les comparaisons n’ont pas manqué et si encore maintenant Paulo Dybala ne peut s’exprimer pleinement avec sa sélection les raisons sont autres que sportives.
Paulo Dybala sous le maillot de la Juventus
Catégorisé comme « attaquant » sans bien même prendre la peine de se pencher sur un profil bien plus large et complet, le rôle de Paulo Dybala est limité et son utilisation reste l’une des plus grandes déceptions du football mondial à l’heure actuelle, à tel point que des portes de sorties ont déjà été cherchées l’été dernier. Encore peu à l’aise lors de sa confrontation face à l’Olympique Lyonnais ce mercredi soir lors des 8e de finale aller de la Ligue des champions version 2019-2020, Dybala doit désormais trouver son rôle pour rayonner pleinement et cela passe forcément par une réorganisation tactique de Maurizio Sarri, son entraîneur. Souvent aligné comme attaquant de pointe, comme hier seul au bout d’un 4-3-3 animé dans les couloirs par Cristiano Ronaldo et Juan Cuadrado, ou à côté de CR7 et soutenu par un milieu de terrain (Ramsey, Bernardeschi), le rôle et le champ d’action de Paulo Dybala en sont alors considérablement réduits tandis que ses qualités pourraient lui permettre de trouver de nouveaux espaces plus bas sur le terrain, comme un réel 10 à l’ancienne. Tout le monde se plaint de la disparition des meneurs de jeu tels que Paulo Dybala, mais lorsqu’un dernier résistant existe il en est alors privé par un « maitre italien » lui-même. Comprenez, Dybala ressemble trop à Messi pour s’exprimer avec l’Argentine, et n’est pas assez italien pour faire jouer la Juventus Turin. On marche sur la tête et c’est le talent immense d’un bijou incommensurable qui est désormais en danger.
Liberté pour Dybala
Tandis qu’il pourrait parfaitement évoluer comme un vrai numéro 10, en meneur de jeu et en soutien de deux attaquants (Ronaldo – Higuain) ses entraîneurs lui préfèrent un rôle plus proche de la surface qu’il peut également occuper avec brio. Mais c’est empêcher un pur meneur de jeu de créer plus bas sur le terrain et d’initier les mouvements offensifs de son équipe grâce à une qualité technique balle au pied exceptionnelle. Dans sa conduite de balle, dans sa manière de dribbler et d’éliminer, et même dans sa capacité à servir ses partenaires de manière idéale, tout chez Paulo Dybala pourrait rappeler un certain Lionel Messi et le fait de le cantonner à un rôle de buteur ne le met pas dans les meilleures dispositions tactiques. Pour la sélection argentine le cas est assez simple à comprendre puisqu’il faudrait aligner Dybala dans une zone ou Messi règne et n’accepte pas le partage. Griezmann en a fait les frais à Barcelone, et Dybala continue de subir une situation ubuesque au sein d’une sélection très faible, avec Messi et Dybala en joueurs éligibles. Les sélectionneurs se succèdent, Messi tranche, et Dybala trinque. Un schéma pas tout à fait identique en club mais à force de n’être prophète nulle part, la planète foot est en train de laisser passer l’un de ses plus beaux bijoux.
Lionel Messi et Paulo Dybala sous le maillot argentin
Pour aider Paulo Dybala à trouver la place qu’il mérite sur l’échiquier mondial, il existe deux solutions crédibles à ce jour avec une meilleure utilisation tactique à la Juventus à l’avenir, ou un départ l’été prochain vers un club et un entraîneur bien plus aptes à lui rendre ses lettres de noblesse. Sous le maillot de la Vieille Dame, l’argentin doit évoluer comme un véritable maitre à jouer, un cran au-dessus du milieu de terrain et un cran en dessous de ses attaquants pour lui permettre une liberté totale, avec et sans ballon. Puisque l’inconvénient de l’apport défensif de Dybala revient souvent, à tort, ce dernier a même augmenté son volume de courses et sa capacité à récupérer des ballons. Un bijou complet, avec un visage d’ange, et une capacité à tuer n’importe quel adversaire, pourtant relégué au rang des faire-valoir d’un ensemble médiocre.
En 4-3-3 avec CR7 et Higuain dans les parages, en 4-3-1-2 ou 4-2-3-1 comme alimentation du circuit, Dybala doit être replacé au centre du jeu et c’est toute son équipe qui s’en portera mieux. Polyvalent, capable d’être décisif dans toutes les zones du terrain, son utilisation reste l’un des plus grands mystères du football mondial et il faut désormais espérer que Dybala puisse s’exprimer pleinement en sélection comme en club afin de faire briller pleinement le joyau.
Emmanuel Trumer