Plus de vingt jours après l’arrêt des compétitions en France, et une 28e journée de Ligue 1 disputée avant le confinement général décrété et prolongé jusqu’au 15 avril par le Premier Ministre Édouard Philippe ce samedi, difficile encore de tabler sur un calendrier de reprise ou une sortie de crise proche. Si la NBA envisage un retour à huis clos pour tenter d’accélérer le processus, une chose est commune à l’ensemble des sports et des sportifs : cette coupure aura l’impact d’une trêve, à minima, et la reprise devra être gérée dans les meilleures conditions possibles.
Le retour aux compétitions semble encore si éloigné, si illusoire également, dans un lourd contexte de pandémie mondiale que les approches des différentes instances sportives pour tenter de faire repartir le circuit peuvent alors prendre deux sens. D’un côté, comment ne pas emboiter le pas et espérer un retour rapide pour tenter d’offrir autre chose que de l’information angoissante à longueur de journée, le sport permet ceci que de pouvoir s’isoler du monde extérieur pour ne prendre que la partie intéressante de l’objet : la compétition, la communion d’une équipe avec ses supporters, et la possibilité de ne pas observer quotidiennement la manière dont les gouvernements tentent de pouvoir reprendre leur rythme de croisière. De l’autre côté, tout ceci peut sembler tellement futile lorsque l’on prend conscience de la tâche des personnels soignants, de toute part, et que le sport sans ses supporters comme cela est évoqué ressemblerait alors encore davantage à un îlot complétement déconnecté du monde normal. Une sorte de monde parallèle ou seuls les droits des retransmissions à venir comptent, mais qui se trouve tout de même en danger alors qu’il est toujours à l’arrêt. Ici n’est pas tellement la question de l’avenir financier des clubs, ou de la date de reprise pour les athlètes, mais davantage de cette période de flou artistique qui oblige chacun à une rigueur malgré le peu de possibilité pour les athlètes d’entretenir leur niveau de forme. Certes, les conditions de confinement ne sont absolument pas les mêmes pour tous, sportifs ou pas d’ailleurs, mais pour ceux-là même le confinement se trouve inégalitaire et en ce sens le travail de reprise devra être minutieux.
C’est également le cas lorsque les joueurs terminent une saison normale, pas celle-ci donc, et se retrouvent alors avec différents programmes devant eux. Les internationaux rejoignent leur sélection et continuent leur saison, les autres sont au repos en attendant la reprise. Cette différence dans la forme physique de chacun est ensuite ajustée lors de la pré saison estivale, qui dure généralement de 4 à 6 semaines et qui comprend un travail physique foncier très important. Chaque joueur est alors réparti dans un groupe de travail adapté à son niveau physique, le but étant de réunir tous les groupes à l’issue des 6 semaines pour disposer du groupe le plus large possible. Durant ces phases de préparation la compétition est reléguée au second plan et les matches amicaux organisés servent alors de point de repère pour les coaches et le début de saison à venir. Une épreuve souvent redoutée par les joueurs, lors de laquelle le ballon est rangé au placard pour laisser place à de longues courses plus fastidieuses les unes que les autres, mais pourtant si nécessaires au lancement d’une saison et à sa préparation.
Confinement, le risque de l’angoisse
Cette phase de préparation estivale (la trêve hivernale est plus courte et ne nécessite pas de remise à niveau physique en profondeur) est indispensable et pourrait trouver un écho à l’issue du confinement en France puisque les athlètes auront alors été logé à la même enseigne que les supporters, confinés entre leurs murs. Comment imaginer une reprise comme si l’épidémie n’avait pas existé, lors de laquelle les clubs et les joueurs reprendraient directement après cette période d’arrêt ? C’est inimaginable et surtout cela serait le pire des scénarios alors même que la présence des supporters au stade est un débat et que le spectacle proposé, même diffusé, pourrait avoir chuté. Dans cette course au temps qui implique les instances dirigeantes, le spectre du paiement des droits de retransmission est malheureusement le nerf de la guerre et promet une forte instabilité en cas de non reprise cette saison. C’est une autre question, et s’il fallait rester sur le côté sportif alors la solution de décaler la prochaine saison sur une année civile (en vue également du Mondial 2022 au Qatar qui pourrait se dérouler en hiver) apparait comme une solution crédible. Évoquée par certains dirigeants de clubs français, ou bien même par André Villas Boas lors de l’une de ses conférences de presse, cette solution pourrait être un bon compromis entre nécessité de terminer cette saison sur le terrain, et l’obligation également de ne pas jeter les joueurs dans l’arène lors de la reprise des compétitions sans préparation physique au préalable.
Place d’abord donc à une préparation, la fin des compétitions, puis l’enchainement avec une nouvelle saison débutée en hiver prochain. D’autres questions se posent alors, comme les compétitions internationales intercalées sur cette période civile et notamment la CAN déplacée en été pour ne pas pénaliser ses athlètes … Dans ce cas si particulier de pandémie, chaque joueur est plus ou moins livré à lui-même, loin des préconisations quotidiennes et précieuses des staff médicales des clubs, et même si des programmes de suivi sont mis en place, l’effet du confinement pourrait également avoir des effets pervers sur la motivation de certaines entités. Des questions qui peuvent paraitres illusoires encore une fois, mais qui auront leur importance au moment de la reprise. Nous sommes loin de l’époque ou des joueurs, citoyens comme nous autres, étaient réquisitionnés pour aller batailler sur le front entre deux matches, et même si nos héros portent désormais des masques et des blouses, reviendra le temps du sport.
Emmanuel Trumer