Légende vivante de Chelsea dont il est encore le meilleur buteur de l’histoire du club avec 211 réalisations en quelques 13 saisons, l’ancien milieu de terrain est désormais aux commandes d’une jeune équipe des Blues et sa première année en tant qu’entraîneur est plutôt une réussite. Encore en course pour une qualification en Ligue des champions avant l’arrêt des compétitions, Franck Lampard a réussi à insuffler un vent nouveau, tant dans la façon de jouer que dans l’envie de faire briller ce maillot. Des limites, son équipe en a également montré notamment en Ligue des champions, mais dans des conditions particulières de privation de transfert le bilan est plutôt honorable.
Ce n’était certainement pas le meilleur moment pour lui, dans une période où son club ne pouvait pas s’activer sur le marché des transferts avec un Ban en guise de cadeau de bienvenue et dans un championnat ou l’achat de joueurs est une compétition prise très au sérieux, mais l’opportunité ne se refusait certainement pas. Après une première expérience plutôt réussie sur le banc de Derby County c’est donc dans le club au sein duquel il aura tout réussi que Franck Lampard a décidé de se lancer. Et après une saison à la tête des Blues le bilan est plutôt positif avec une équipe (très) jeune, tournée vers l’attaque, et au sein de laquelle les babies blues du centre de formation ont donc la part belle. Les révélations sont d’ailleurs nombreuses avec l’éclosion de joueurs comme Tammy Abraham, Mason Mount, Billy Gilmour, Reece James ou encore Fikayo Tomori, et l’idée globale que veut imposer Franck Lampard sur le jeu de son équipe est noble. L’ancien milieu de terrain cherche à évoluer avec le ballon, à base de passes courtes, et dans un championnat ou les duels sont très nombreux et surtout durs c’est assez rare pour être noté. Certainement inspiré par le Barcelone de Guardiola des grandes années, Lampard insiste sur l’importance du milieu avec une volonté de construire dans cette zone pour trouver son attaquant. Un système en 4-3-3 que l’entraîneur anglais a parfois modifié, mais toujours pour amener plus de densité dans cet espace du milieu de terrain. L’intronisation d’un joueur comme Billy Gilmour en pointe basse et première rampe de lancement de son équipe est un pari osé mais qui s’est avéré payant grâce à une qualité technique au-dessus de la moyenne et une capacité à trouver ses partenaires dans de bonnes dispositions.
Gilmour en position de sentinelle, Mount dans le rôle du créateur et du meneur de jeu plus haut sur le terrain, et c’est Abraham à la pointe de l’attaque qui s’est souvent trouvé dans des positions favorables avec un rendement très intéressant. Globalement, Lampard est parvenu à imposer sa patte et obtenir des résultats avec une appétence tout particulière pour les profils de jeu qui peuvent lui ressembler, lorsque lui-même évoluait encore sous le maillot des Blues. Une logique, qui pourrait trouver ses limites dans d’autres zones du terrain et notamment les couloirs avec une animation plutôt primaire malgré un apport offensif intéressant des latéraux (Emerson ou Marcos Alonso à gauche, James ou Azpilicueta à droite même si ce dernier peut évoluer des deux côtés). C’est d’ailleurs certainement cette donnée qui a coûté un espoir plus large au club de Chelsea lors de la confrontation face au Bayern Munich lors du 8e de finale aller de Ligue des Champions.
Lampard, la machine du milieu
Face à une équipe bavaroise alors organisée en 4-2-3-1 et avec des ailiers percutants, Franck Lampard a préféré ne pas s’aligner sur son adversaire et opter pour une densité dans l’axe, au milieu de terrain, dans un schéma qui lui avait pourtant bien réussi quelques jours auparavant face à Tottenham en Premier League. C’était certainement oublier que les Spurs de cette saison, amputés de leurs meilleurs joueurs (Kane, Son) n’ont pas la puissance de frappe du Bayern Munich et la différence est alors apparue flagrante. Un score cinglant, 3-0, encaissé à la maison mais un match qui a certainement dû servir d’apprentissage et de leçon pour un technicien qui doit s’efforcer d’alimenter toutes les zones du terrain. D’autant plus que l’effectif des Blues ne manque pas de qualité sur les côtés, avec des profils comme Christian Pulisic, Callum Hudson-Odoi, ou encore Pedro, et la future arrivée estivale d’un joueur comme Hakim Zyech capable d’évoluer dans le couloir devrait également beaucoup apporter. C’est certainement ici la seule limite du technicien anglais, qui est par ailleurs parvenu à faire progresser l’ensemble de son effectif et à se mêler à la course à la qualification en Ligue des champions face à des adversaires mieux armés sur le papier.
Malgré une appétence pour le milieu de terrain, Franck Lampard n’est pas réticent à changer de système, et s’il touche très peu à son milieu il sait s’adapter en alignant une défense à 5 lorsqu’il sent que son équipe a besoin de retrouver plus de solidité derrière, tout en gardant à l’esprit que Tammy Abraham doit trouver des relais plus bas sur le terrain pour pouvoir exister. La relation crée avec Mason Mount en ce sens est un pari réussi, et ce dernier est d’ailleurs devenu une révélation en Premier League grâce à une qualité technique, de passe, de vision de jeu très intéressante. Lampard transmet, prend le temps, et semble apprendre en même temps que son jeune effectif à qui il a réussi à insuffler cette volonté de jouer au sol et de trouver les bons intervalles. Avec un mercato estival à venir encore incertain dans ses dates mais lors duquel Chelsea sera vraisemblablement très actif après les restrictions imposées, nul doute que les Blues peuvent voir venir avec un certain optimisme. Un défenseur central, un arrière droit, et un attaquant ne seraient pas de trop pour un coach qui a montré qu’entre ses mains un talent pouvait être façonné de belle manière. Un ensemble cohérent, agréable à regarder, et qui promet des jours heureux avec une ambition nouvelle à trouver lorsque les livres sterling couleront à nouveau à flot.
Emmanuel Trumer