Premier de son groupe de Ligue des Nations, la sélection du Portugal est en train d’entamer une métamorphose déjà concrètement perceptible sur le terrain. Le vivier exceptionnel de joueurs dont dispose cette nation n’a pas changé, mais la mise en place tactique et la philosophie de jeu sont en train d’évoluer vers un football moderne qui laisse présager un avenir radieux pour Cristiano Ronaldo et ses partenaires.
L’élimination en huitième de finale lors de l’Euro 2020 a laissé un goût très amer aux supporters du Portugal, qui voient en cette nation un favori logique mais qui ne parvient pas à transformer l’essai depuis 2016 et la victoire en France. Le Portugal a d’ailleurs également été éliminé en huitième de finale de la Coupe du Monde 2018, et globalement toutes les échéances sont des échecs successifs. Avec cette matière à disposition il s’agissait d’une anomalie totale, qui est en passe d’être résolue. En trois matches de Ligue des Nations, la sélection de Fernando Santos a rendu son jeu beaucoup plus complet, beaucoup moins lisible pour ses adverses également, et l’utilisation des individualités trouve enfin une cohérence. C’est au moment de la question du maintien ou non du sélectionneur que les effets sont apparus, et le Portugal peut désormais légitimement ambitionner de remporter une deuxième compétition internationale dans son Histoire.
Au départ très proche de la philosophie de jeu d’un sélectionneur comme Didier Deschamps, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Fernando Santos et le Portugal ont remporté leur premier trophée en France face aux Bleus lors de l’Euro 2016, la sélection portugaise est aujourd’hui en train d’amorcer une transformation qui peut s’analyser de manière très concrète dans le contenu du jeu et du football. Réputé pour avoir un bloc équipe très compacte, dans sa moitié de terrain et même plus proche de son gardien de but que de la ligne médiane, Fernando Santos est parvenu récemment à faire évoluer sa vision du jeu pour rendre meilleur toute une nation. Dans ce rôle de bloc défensif, le Portugal n’a plus aucun axe d’amélioration puisque c’est la spécialité depuis de nombreuses années maintenant et que les rouages sont travaillés, compris, et que la force principale de cette équipe réside dans ce domaine.
Il restait alors à comprendre comment rendre cette sélection plus complète, moins prévisible, en ayant la capacité à proposer autre chose et notamment pour pouvoir sortir de situations compliquées face à des adversaires qui laissent peu d’espaces. Le Portugal aime profiter de transitions rapides qui sont très utiles face à des nations du même niveau, et le premier match de Ligue des Nations face à l’Espagne est venu appuyer cette constante. Même si le Portugal aurait pu gagner ce match face à une sélection espagnole qui ne ressemble plus à grand-chose (par rapport à ses plus belles années et ses sacres internationaux), ce sont surtout les deux rencontres suivantes qui permettent aujourd’hui d’être extrêmement positif et enthousiaste concernant le futur de cette sélection et notamment l’échéance de la Coupe du Monde qui approche.
Du jeu dans la moitié de terrain adverse, une nouveauté
Avec des individualités comme Ruben Neves, Bernardo Silva, Bruno Fernandes, Diogo Jota, Joao Felix, l’ambition de la sélection portugaise était jusqu’alors beaucoup trop restreinte. Ces joueurs ont besoin de s’exprimer avec ballon, et non pas de courir derrière constamment, ont également besoin de pouvoir évoluer proche du but adverse et non du leur, et ces données ont été assimilées face à la Suisse (4-0) puis face à la République Tchèque (2-0). Lors de ces deux victoires, le Portugal a montré sa capacité à faire mal à l’adversaire par un jeu de possession, par un jeu de position, par une volonté de maitriser totalement les rencontres, et les résultats ont été immédiats. Évidemment la qualité individuelle impacte cette capacité ou non à créer le jeu, et de quelle manière, mais la transformation est flagrante.
En étant désormais capable de maitriser différents contextes de match, le Portugal se place comme un candidat potentiel aux trophées, et cela entre dans une logique absolue avec ce dont dispose Fernando Santos. Encore fallait-il le comprendre. Les équipes adverses qui travaillent vont évidemment trouver des idées pour contourner ces évolutions, mais le Portugal peut travailler sereinement et ne plus compter sur des coups du sort pour envisager une qualification ou une élimination. Le football reste incertain, mais il a changé dans le bon sens.
Avec le Ghana, l’Uruguay, et la Corée du Sud comme adversaires dans le groupe du Mondial à venir, le Portugal devra se souvenir de ces préceptes pour ne pas sortir beaucoup trop tôt et une fois le huitième de finale atteint il faudra alors un petit quelque chose en plus. Une capacité d’analyse, de réaction sur le moment concernant les changements, mais l’équipe de Fernando Santos peut désormais envisager l’avenir sereinement plongé dans un fonctionnement tourné vers le football et c’est une immense victoire. Place au jeu, et que le meilleur gagne.
Emmanuel Trumer