Après une nouvelle défaite à domicile, la 13e de la saison pour l’OM en Ligue 1, et des derniers espoirs européens qui s’évaporent, Marseille se trouve aujourd’hui dans une situation délicate. Au cœur d’un projet qui devait le porter au sommet du football français, le « Champion’s project » de Frank McCourt, l’OM sort pourtant d’une saison totalement blanche qui interroge sur ses réelles capacités.
« Quand j’ai fait faire des études pour acheter l’OM, l’information qui revenait en boucle, c’est que les fans étaient passionnés et actifs. Cela m’était présenté comme un avertissement et ça m’a surpris. Qui voudrait d’un club où les fans sont calmes et indifférents ? Cela n’a pas de sens ! »Frank McCourt, le propriétaire de l’Olympique de Marseille et auteur de ces mots lors d’un documentaire consacré par Canal + à son compatriote Joe DaGrosa, le nouveau propriétaire des Girondins de Bordeaux, sait pertinemment qu’en rachetant l’OM à la famille Louis-Dreyfus il acquiert également une institution du football français. Seul club français vainqueur de la Ligue des champions, l’OM se partage entre amour et passion avec un Vélodrome souvent bouillant mais également logiquement exigent. Un stade d’autant plus rêveur qu’il a été berné par une communication outrancière à l’arrivée de l’investisseur américain en 2016. L’OM est alors dans une fin de cycle et la période Margarita Louis-Dreyfus – Vincent Labrune touche à sa fin dans le KO. Michel fait ses bagages, Passi assure l’intérim et rapidement les contours d’un nouveau projet se dessine. Avec Rudi Garcia aux manettes de l’équipe professionnelle, Jacques-Henri Eyraud à la présidence, et Andoni Zubizarreta comme directeur sportif.
De prime abord, un vent de renouveau souffle sur Marseille, qui avant cela voit son concurrent parisien amasser les titres nationaux et son rival lyonnais ne pas partager les qualifications en Ligue des champions. Les portraits venus des États-Unis, où Frank McCourt a déjà officié dans le sport à la tête de la franchise de baseball des Los Angeles Dodgers, ne sont pas les plus flatteurs. « Il n’y a pas d’autre façon de le dire : Frank McCourt est une vile merde qui n’a pas seulement ruiné ce qui était la franchise la plus classe du sport américain mais devrait également affronter la justice pour avoir siphonné 105 millions de dollars des Dodgers pour son usage personnel sans payer de taxes ». Écrit même en 2011 un journaliste, pourtant vainqueur du prestigieux Prix Pulitzer en 1987, Buzz Dissinger. Mais après tout l’homme d’affaire a le droit à une nouvelle chance se dit-on alors, et l’OM a surtout besoin d’un nouveau projet pour entrevoir la lumière.
L’arrivée de Frank McCourt à Marseille à l’été 2016, puis pleinement deux mois plus tard avec l’acquisition à 100% du club, apparait donc comme une solution viable favorisée par une communication qui coutera ensuite très chère au propriétaire américain. Dès son entrée en matière il va mener une campagne dans les médias qui, en somme, revient à dire « Le PSG n’est plus le seul club puissant, je souhaite que désormais Paris fasse des cauchemars avant de venir au Vélodrome. Marseille doit être capable d’attirer des joueurs comme le PSG ». Bien trop ambitieux alors que le propriétaire sait parfaitement qu’il ne peut pas lutter financièrement face à un club qui dépensera ensuite 400 millions d’euros pour s’offrir Neymar et Mbappé grâce à ses propriétaires qataris. La vente de l’OM aura couté la bagatelle de 50 millions d’euros à l’homme d’affaire américain et le plan de 200 millions d’euros annoncé sur quatre ans ne correspond en rien aux ambitions avancées par McCourt.
Une direction qui découvre le football
Outre cette communication démesurée, Frank McCourt va commettre une deuxième erreur d’entrée de jeu avec la nomination comme Président de l’Olympique de Marseille d’un homme dont le football est une chose nouvelle et qui va en découvrir les mécanismes dans un club ou cela n’est malheureusement pas permis. Passé par la communication du groupe Disney, Jacques-Henri Eyraud n’a jamais évolué dans un club de football avant de prendre en main l’OM, un visage qui favorise aujourd’hui la frustration des supporters et les questionnements sur le projet de cette direction. Visage de cette nouvelle génération de président hors-football, a priori capable de pouvoir amener une pérennité financière et structurelle à toute entreprise. C’est d’ailleurs le leitmotiv du président olympien depuis son arrivée : « Un club de foot est une entreprise comme une autre ». Le problème, c’est qu’il se trompe. Et le fait de vouloir se faire appeler Jacques-Henri par ses salariés pour faire jeune ne fera pas de l’OM le nouveau concurrent du PSG.
Le Président de l’OM n’est pas le seul à avoir ses torts à l’heure du bilan, presque trois ans après l’arrivée du nouvel investisseur à Marseille. Pour mener ce projet de grande ampleur, le choix de nommer rapidement Rudi Garcia sur le banc peut apparaître comme une bonne solution. Le technicien français sort d’une expérience en Italie, à Rome, et un retour en France le tente. Pour Marseille, c’est l’opportunité de travailler avec un entraîneur qui a déjà remporté le championnat de France avec Lille (en 2011) et qui pourra gérer un effectif à redessiner ensemble. Autre élément qui débarque à l’OM dans cette période, le directeur sportif Andoni Zubizarreta et sa carte de visite plutôt flatteuse. En quelques mois, tout se met plutôt bien en marche et la première saison de l’OM sous la bannière américaine se solde par une 5eplace honorable après un début de saison compliqué. La suite ne sera qu’une succession de déceptions, parmi lesquels Garcia réussira à obtenir une étincelle, rayonnante il faut le dire le temps d’un instant, avec une finale de Ligue Europa face à l’Atletico Madrid disputée à Lyon, mais bien trop maigre pour un club qui aujourd’hui constate les résultats décevants.
Jamais, que ce soit par les mercatos successifs, les idées de jeu, ou l’atmosphère d’un Vélodrome si important pour les exploits des siens, la direction de l’OM ne sera parvenue à endiguer une vague de déceptions pourtant perceptible. L’année dernière, Marseille termine au pied du podium mais on se dit alors que le parcours en Coupe d’Europe a privé d’énergie un groupe volontaire et soudé. Ce fut le cas sur une courte période, que cet été et les choix de la direction ont balayé.
Marseille, droit à l’erreur limité
Dans un projet ou chaque choix financier comme sportif doit être pesé, chaque mot également avec un public qui sentant parfaitement l’évolution des choses a pris ses distances petit à petit, rien n’a permis à l’OM de revivre cette saison les joies de l’année passée. Rudi Garcia a perdu son vestiaire au gré de décisions aussi incompréhensibles que douteuses, au gré d’une gestion des cadres ratée aussi et qui a pourtant fait sa force la saison précédente. Il ne faut pas se le cacher, l’OM doit à son envie, sa solidité du bloc équipe en phase défensive comme offensive, et son intensité dans les matches, son beau parcours qui l’a mené jusqu’en finale de Ligue Europa face à l’Atletico Madrid dans le nouveau stade de l’OL. Une fois l’été passé, la coupe du monde gagnée pour certains aussi, tout s’est comme évaporé d’un coup. Pour ne laisser qu’un champ de ruines sur lequel gisent les choix passés d’une direction aujourd’hui aux abois.
Kostas Mitroglou a été acheté pour 15 millions d’euros et 50 % de sa valeur totale, un joueur qui illustre parfaitement l’incohérence de la direction puisque ce joueur est un choix du directeur sportif Andoni Zubizarreta, mais jamais souhaité par l’entraîneur Rudi Garcia. Un profil qui n’est pas aussi nul qu’on a voulu nous le faire croire mais en qui l’entraîneur olympien n’aura jamais cru et qui végète en Turquie aujourd’hui. Kevin Strootman est arrivé pour une somme importante de 25 millions en remplacement de Franck Zambo Anguissa mais son intégration est globalement un échec après une saison en demi-teinte. Idem pour Radonjic, dont l’utilisation pose question. Seul Duje Caleta Car a profité de la mise à l’écart d’Adil Rami pour logiquement s’imposer en défense centrale mais c’est bien trop peu. Le bilan de cette année est catastrophique, avec une élimination précoce dans toutes les compétitions, et une 6eplace de Ligue 1 qui fera de l’OM un club national et non plus européen l’année prochaine. Impensable pour Marseille et des décisions sont désormais attendues de pied ferme.
Rudi Garcia s’est enfermé dans une gestion de vestiaire incompréhensible, ne trouvant jamais la bonne formule et surtout en exaspérant son environnement avec des excuses également novatrices à chaque déconvenue. Si l’OM avait été au niveau cette saison, on pourrait alors reparler des décisions arbitrales, mais jamais Marseille n’a semblé capable de rivaliser avec les autres.
A la décharge de l’entraîneur français, son Président a subi les évènements autant que lui et aura tenté de faire diversion grâce à une communication bien rôdée chez lui. Le vélodrome a accueilli des lampes Leds, des nouvelles peintures dans son couloir qui auront été la risée d’internet, et Eyraud aura même été jusqu’à imaginer de doubler les buts de l’extérieur de la surface. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’il a tout tenté pour masquer les mauvais résultats de son équipe, jusqu’à épuisement du stock des excuses pour lui aussi. La prolongation de Rudi Garcia, en octobre dernier, alors que l’OM connaissait déjà quelques difficultés est le point d’orgue d’une relation aujourd’hui néfaste avec les supporters de l’OM. Reste alors à McCourt de prendre les bonnes décisions, et surtout de donner le bon tournant à son projet, avant que les portraits venus d’Amérique ne ressurgissent.
Emmanuel Trumer