Après une saison conclue par un titre de Champion de France acquis dans l’indifférence générale, et des matches désormais sans enjeux que le PSG n’arrive même plus à aborder correctement, le projet du club de la capitale a pris un coup cette saison. Deux ans après les arrivées de Neymar et Mbappé, le PSG n’a toujours pas avancé dans son entreprise de remporter la Ligue des champions, pire Paris a laissé échapper les Coupes nationales et laisse même l’impression de régresser.
Pour comprendre l’attente qui règne autour du Paris Saint-Germain, et de ses supporters toujours plus nombreux aux quatre coins du monde, il faut bien intégrer la dimension dans laquelle est entré le club en 2011, lorsque QSI (Qatar Sport Investments) rachète le PSG et en devient le propriétaire et actionnaire. Ce n’est une surprise pour personne, derrière ce fond se trouve être l’un des souverains les plus riches de la planète en la personne du prince héritier, le cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, émir du Qatar depuis 2013. Avec Nasser Al-Khelaïfi, actuel Président du Paris Saint-Germain, l’Émir s’offre un club en quête de rêve européen, en quête d’un passé qu’il peine à retrouver et dont les anciens propriétaires, Colony Capital, ne seront pas parvenus à faire rayonner sur le plan national. Paris change de slogan : « Rêvons plus grand », et l’arrivée d’un fond émirati soutenu par le chef d’État du Qatar est accueilli avec bienveillance, pour ne pas dire joie, car il est la garantie d’un avenir sportif radieux. Il s’agit à cette époque-là de l’introduction dans le football mondial du Qatar qui s’offre le PSG avant l’organisation de la Coupe du monde au Qatar en 2022, et par la même occasion une vitrine pour briller sur la scène internationale.
Je serais bien incapable de parler des autres domaines dans lesquels l’État du Qatar investit également, mais ce que je sais c’est que le football permet un rayonnement unique, une source de bonheur intarissable également lorsqu’il y a des victoires. Ce ne sont pas Jacques Chirac ou plus récemment Emmanuel Macron qui diront le contraire avec des succès pour les Bleus en 1998 et 2018 qui auront généré une période faste. Pas non plus Nicolas Sarkozy, tout autant chef d’État que les deux précédemment nommés, et qui est à l’origine de l’investissement du Qatar en France et notamment au PSG lorsque qu’il est Président de la République française en 2011. Ces documents et ce contexte politique, issus des Football Leaks, ne doivent pas monopoliser l’attention pour faire une analyse de ce club de football, mais sont indispensables pour comprendre le mécanisme de l’acquisition du Paris Saint-Germain par son propriétaire actuel. Comme un contrat gagnant-gagnant, la France y voit le moyen de s’acquérir les bonnes faveurs d’un riche État pétrolier, et le Qatar y voit l’opportunité de lancer une grande campagne de communication avec pour objectif un rayonnement international. Est-ce un moyen de redorer l’image d’un État réputé pour ne pas être le plus démocrate du Monde, notamment au niveau du respect des Droits de l’Homme ? Je ne sais pas et à vrai dire ce n’est pas la question ici.
Paris, une domination nationale (ou presque)
Lorsque QSI rachète le Paris Saint-Germain en 2011, Paris n’est pas dans sa meilleure forme et vient même de frôler la relégation en 2008. Le Parc des Princes gronde, le plan Leproux passe par là dans les tribunes du Parc des Princes, ce n’est pas le thème non plus même s’il y aurait des choses à dire, et voilà que QSI prend le pouvoir avec la promesse de faire du club de la capitale l’une des places rayonnantes du football mondial. Antoine Kombouaré, en place sur le banc de touche du PSG ne tient que six mois avant que Carlo Ancelotti ne débarque avec ses trois Ligues des champions remportées. Dès les premières semaines, de grosses sommes sont investies pour l’achat de joueurs et quelques 100 millions d’euros de transferts viennent immédiatement renforcer le PSG. Javier Pastore, acheté pour 42 millions d’euros en provenance de Palerme illustre le projet de QSI avec l’achat de joueurs prometteurs, le prix étant une donnée peu importante. Avec l’idée de reconstruire totalement l’effectif du club, Paris achète également des joueurs d’expérience comme Thiago Motta ou Maxwell et le projet sportif immédiat semble séduisant. Ancelotti doit mener Paris rapidement aux sommets, Leonardo doit s’occuper du rayonnement du club et des transferts en tant que directeur sportif. Le PSG ne parvient pas à remporter le titre cette année-là, doublé par Montpellier et son emblématique Président Nicollin, mais après tout il s’agit des balbutiements et de la mise en route d’un projet qui doit mener Paris bien plus haut. Huit ans après, le bilan est tout autre.
Dès la saison suivante Paris obtient le titre de Champion de France devant l’OM mais connait deux revers dans les Coupes Nationales, à Évian en quarts de finale de la Coupe de France, et à Saint-Etienne en quarts de finale de la Coupe de la Ligue. Avec des joueurs comme Zlatan Ibrahimovic ou Thiago Silva arrivés en provenance de Milan, et d’autres moins connus comme Verratti ou Lucas, Paris dépense sans compter et montre clairement que les moyens seront mis pour parvenir à ses fins. C’est là tout le paradoxe à l’aube de l’analyse du projet parisien, alors que cette saison 2012-2013 restera comme la plus aboutie du Paris Saint-Germain, tant sur le plan sportif que dans sa gestion globale. Huit ans après l’arrivée de QSI au PSG, et une dernière saison achevée sans les Coupes nationales dans la vitrine du club parisien, avec une élimination en 8ede finale de la Ligue des champions comme l’année précédente, et malgré une évolution saisissante dans le domaine du marchandising, notamment à l’international, le projet sportif du PSG est au point mort.
Ancelotti, le souvenir d’une promesse
Il est intéressant de se souvenir des déclarations de Carlo Ancelotti au moment de quitter le PSG pour rejoindre le Real Madrid à l’été 2013 alors que la direction parisienne se montrait trop pressante durant la saison : « Quand je me suis engagé à Paris, je croyais en un projet. De nouveaux joueurs arrivaient, une équipe allait se créer et tout cela prend du temps. Les six premiers mois étaient bons. Mais l’année d’après, j’ai compris que les décideurs du club avaient changé de point de vue. On n’était plus dans l’idée d’un projet mais dans l’idée de résultats immédiats ». Ces mots du mythique entraîneur italien reviennent aujourd’hui en écho, six ans plus tard, alors que Paris ne parvient plus à rallier les quarts de finales de la Ligue des champions. Ancelotti, lui, y était parvenu en peu de temps et en frôlant l’exploit en quarts de finale face au FC Barcelone (2-2 à l’aller au Parc des Princes, 1-1 au retour au Camp Nou). Mais il avait tout lu, avec des années d’avance.
Carlo Ancelotti incarnait à lui seul le projet du PSG version QSI dans ses premières années, bien aidé dans cette tâche par Leonardo, lui aussi parti à l’été 2013. Avec ce duo, Paris perd son âme, et ne se retrouvera que dans une succession de choix aussi grotesques les uns que les autres, entre découverte du fonctionnement d’un club de football et fabrication d’un effectif incohérent qui aura coulé en 2019 face à Manchester United. Une fois l’entraîneur italien parti vers l’Espagne, c’est à Laurent Blanc que revient la tâche d’emmener ce club vers les plus hauts sommets et les moyens sont encore mis pour y parvenir (Di Maria, David Luiz, Aurier, Kurzawa, en plus de Cavani ou Marquinhos l’été précédent.) Sous le mandat de Laurant Blanc, Paris remporte tous les titres nationaux et s’octroie tout de même un statut logique d’épouvantail de la Ligue 1 et du football français. Le problème se situe au niveau de la Ligue des champions et des échecs répétés face à Barcelone, que Paris gène moins avec Laurent Blanc que sous les ordres de Carlo Ancelotti, puis face à Manchester City lors d’un match retour qui aura couté son poste au technicien français. Immédiatement, et avec un vestiaire qui avait totalement lâché son entraîneur, notamment en conférence de presse d’après match en déclarant que le passage en 3-5-2 était la cause de l’élimination. Laurent Blanc a été licencié contre la somme de 20 millions d’euros et avec du recul il s’agissait là-aussi certainement des maux déjà perceptibles d’un club qui fonctionne à l’envers.
Jamais Leonardo ne sera remplacé à la direction sportive, et les tentatives Kluivert ou plus récemment Henrique sont des échecs cuisants, et un vestiaire tout puissant émerge alors pour ne plus laisser place à aucune forme d’autorité. Il faut dire qu’avec Laurent Blanc et Jean-Louis Gasset, le fonctionnement était loin d’être le plus mauvais avec un Zlatan Ibrahimovic en chef de vestiaire et une envie plutôt perceptible de progresser à côté. Une fois le départ du technicien français acté, celui de Zlatan Ibrahimovic aussi, Paris se tourne vers Unai Emery, triple vainqueur consécutif de la Ligue Europa avec Séville, et porteur d’un projet de jeu adapté à un vestiaire qui a pour habitude d’avoir le ballon (avec Laurent Blanc, Motta, et le 4-3-3 qui a pour modèle le Barca de Pep Guardiola), mais qui peut progresser sur les transitions et les attaques rapides. C’est en tout cas une idée louable sur le papier, que la direction du PSG ne parviendra jamais à mettre en œuvre.
Un Président comme ami
Je vais donner un exemple de ce qu’il s’est passé à l’époque, alors que l’entraîneur espagnol est persuadé qu’il doit augmenter la durée des séances vidéo avec ses joueurs pour analyser les adversaires à venir, Emery se heurte alors à un vestiaire qui prend ses consignes comme une forme de manque de confiance. Pour des joueurs qui en ont certainement trop cela fait sens, mais peu importe le vestiaire gagnera et le Président Nasser Al-Khelaïfi interviendra après une demande des cadres dont Thiago Motta notamment pour court-circuiter son entraîneur. Emery parviendra à réaliser quelques résultats notables tout de même, avec un match aller de 8ede finale exceptionnel face au FC Barcelone (4-0) avant de connaitre la pire défaite de sa carrière au match retour avec un (6-1) éliminatoire. Cette année-là le PSG est à nouveau doublé dans la course au titre de Champion de France et voit Monaco remporter le trophée.
Ce nouveau tournant dans le projet parisien amorce une remise en question en plus haut-lieu, et la réponse trouvée consiste à investir la bagatelle de 400 millions d’euros pour s’offrir Neymar et Kylian Mbappé en provenance de Barcelone et Monaco. Emery parvient à remporter le titre mais échoue à nouveau en Ligue des champions, avec une élimination anodine face au Real Madrid, et s’envole lui aussi vers d’autres cieux, anglais en l’occurrence. Depuis cet été, c’est l’Allemand Thomas Tuchel qui a hérité de ce groupe et dès le départ je n’ai pas compris son arrivée. Le vestiaire du PSG n’a jamais toléré un entraîneur pourtant triple vainqueur d’une Coupe d’Europe et va désormais se transformer avec un entraîneur dont le palmarès se résume à une Coupe d’Allemagne ? Raté. Paris en fait la promesse et la saison sera un échec retentissant avec la perte de la Coupe de France, de la Coupe de la Ligue, pourtant chasses gardées du PSG, et une élimination mondialement moquée face à Manchester United en 8ede finale de la Ligue des champions. J’ai déjà eu l’occasion de parler de Thomas Thuchel, qui s’il a ses torts dans la gestion des hommes et ses idées de jeu, ne doit pas être tenu responsable de tous les maux actuels du Paris-Saint Germain.
Tuchel subit également le fait de ne pas se voir accorder les mêmes faveurs que ses prédécesseurs. Il ne faut pas se le cacher, signer au PSG est un gage d’obtenir des joueurs de tout premier plan et Tuchel se voyait certainement dans ce cadre de recrutement, occultant les arrivées de Neymar et Mbappé l’été précédent. Antero Henrique avait pourtant prévenu l’entraîneur allemand à son arrivée, malgré les liens étroits qui unissent le PSG à l’UEFA (et la FIFA), les révélations à venir sur les quelques 2 milliards d’euros injectés dans le club parisien allaient faire grincer des dents. Une sorte de contrôle très souple avec à nouveau environ 100 millions d’euros dépensés par le coach allemand tout de même. Mais Tuchel subit également le fait de ne pas pouvoir bousculer certains joueurs à cause de leur proximité toute particulière avec la Présidence. Toujours est-il que le PSG patauge désormais avec un effectif que le coach allemand a essayé de modifier avec les arrivées de Kehrer et Choupo-Moting mais qui n’a guère plus belle allure que celui de 2013. Bien au contraire.
Emmanuel Trumer