Après deux ans et demi à la tête du LOSC, le propriétaire Gérard Lopez est déjà passé par toutes les émotions. Proche de descendre en Ligue 2 avec Lille la saison dernière, il va désormais pouvoir découvrir la Ligue des champions grâce à une place méritée de dauphin du PSG. Avant cela, l’investisseur Gérard Lopez lorgnait déjà sur le football français, avec une tentative avortée de rachat de l’OM. C’est donc finalement au LOSC que Lopez a posé ses valises.
Les raccourcis peuvent être faciles et certains supporters de l’OM seraient aujourd’hui en droit de se demander si Margarita Louis-Dreyfus n’aurait pas mieux fait de vendre le club à Gérard Lopez plutôt qu’à Franck McCourt en 2016. Avec un projet financier basé sur le trading et l’achat de très jeunes joueurs, Lopez décide de rassembler des fonds pour s’offrir un club de Ligue 1, et brandit déjà à l’époque la carte Bielsa avec pour but de récupérer l’OM. L’entraîneur argentin a laissé un immense souvenir sur la Cannebière et Lopez sait qu’il possède un argument de poids avec lui. Insuffisant pourtant, puisque le projet du propriétaire n’est pas compatible avec l’OM qui est dans l’obligation d’avoir une ossature solide en raison du contexte particulier qui entoure Marseille. Le discours ainsi que les garanties financières ne séduiront pas dans le Sud et c’est donc dans le Nord, à Lille, que Gérard Lopez se lance un an plus tard. Le LOSC est à vendre et le propriétaire met son plan à exécution avec la nomination de Marcelo Bielsa sur le banc lillois. Le problème, c’est que ce dernier ne sera jamais le réel patron d’un secteur sportif qui pose d’énormes questions.
Pour s’assurer de pouvoir dénicher les meilleurs talents, toujours plus jeunes, dont j’ai eu l’occasion de parler pour Monaco, Gérard Lopez met également la main sur le directeur sportif Luis Campos et espère ainsi récupérer les meilleures pépites dans le but de s’octroyer une juteuse plus-value à la revente. Le problème dans ce schéma c’est que cela ne se fait pas du jour au lendemain et surtout sans ossature stable dans un effectif. A l’été 2017, Marcelo Bielsa et le LOSC vont acquérir pour près de 70 millions d’euros de joueurs (Pépé, Maia, Auraujo, Malcuit, Mendes, pour ne citer qu’eux) mais sans jamais se soucier de l’expérience et de l’encadrement de tout ce jeune monde. C’est la grosse erreur de Gérard Lopez car si la relation entre Campos et Bielsa pouvait paraître attrayante pour le grand public, la réalité était toute autre avec des étincelles dès les premières semaines.
Bielsa est conscient des conditions avantageuses dans lesquelles il travaille et ne le cache pas en conférence de presse, cependant lorsque des noms de joueurs plus expérimentés lui sont soufflés lui en imagine d’autres. Les horripilants détracteurs de Bielsa ont sauté sur l’occasion pour enfoncer le coach argentin mais il s’agissait d’une tentative d’enfumage.
L’Argentin ne sera jamais écouté dans ce domaine puisque ces joueurs ne représentent pas forcément de valeur marchande sur une future revente. Le LOSC démarre la saison avec un effectif chamboulé, mais surtout extrêmement jeune. Un mélange que le technicien argentin ne parvient pas à faire décoller et quitte après 13 journées de Ligue 1 seulement. La situation du LOSC est alors préoccupante (19e) et les relations au sein de la direction ne sont pas bonnes non plus.
Le changement de cap
Confronté à un choix entre son conseiller Luis Campos au rôle pas tellement officiel mais si important dans les décisions, et Marcelo Bielsa qui entend avoir son mot à dire sur la construction de l’effectif, Gérard Lopez tranche en faveur du Portugais et amorce un nouveau projet en nommant Christophe Galtier sur le banc. La première mission de l’entraîneur français consiste à sauver le club lillois, mais sans solution miracle il va subir une longue fin de saison qui aura longtemps vu le LOSC fleureter avec la Ligue 2. La première réussite de Galtier lors de son arrivée est tout de même perceptible avec un effectif désormais libéré psychologiquement et qui retrouve des bases de travail plus simples (défense à 4 à plat notamment). La méthode Bielsa était trop dure pour certains et le technicien français se sera d’abord appliqué à remobiliser un vestiaire qui a longtemps vécu un cauchemar avec les mauvais résultats. Pour se sauver en fin de saison, Galtier pourra aussi compter sur un Nicolas Pépé ultra décisif et qui laisse déjà entrevoir des qualités très intéressantes alors que ses partenaires peinent à répondre.
Le maintien acquis dans la douleur et un peu par miracle aussi, le LOSC se lance alors dans le mercato pour combler ses lacunes. Un mercato estival 2018 beaucoup plus cohérent qui verra notamment arriver des joueurs comme José Fonté, Loic Rémy, mais également les jeunes Jonathan Ikoné et Jonathan Bamba dans le but de poursuivre avec l’acquisition de jeunes joueurs. Des réussites que Galtier va parvenir à embellir cette saison, avec un schéma tactique plutôt simple sur le papier mais terriblement efficace. L’entraîneur français peut s’appuyer sur l’expérience de Fonte en défense centrale et un sur un duo de milieu très performant avec Mendes et Xeka. Devant, Galtier a parfaitement pris la mesure du potentiel de son effectif en intégrant Bamba et Ikoné avec Pépé. La plupart du temps avec un 9 en la personne de Leao ou Rémy, et cela s’est traduit par quelques résultats marquants comme le 5-1 face au PSG ou encore le 5-0 face à Nîmes et le 4-0 face à Nice.
Assuré de participer à la prochaine campagne de Ligue des champions grâce à sa deuxième place en Ligue 1, les Lillois de Galtier ont réalisé une saison très complète dans tous les secteurs. Avec la deuxième meilleure attaque de Ligue 1 (67 buts à égalité avec Lyon), la meilleure défense de France devant le PSG (30 buts encaissés), le LOSC a parfaitement mérité de rafler la seconde place et le doit à un plan de jeu efficace. Christophe Galtier a logiquement privilégié les projections rapides avec la vitesse de ses attaquants, mais a su s’adapter lorsque les oppositions lui ont proposé autre chose tactiquement avec des blocs bas regroupés.
Et maintenant, quel avenir ?
La parfaite adaptation de Christophe Galtier, sa relation plutôt saine avec Luis Campos, et les excellents résultats du LOSC ont désormais fait oublier les mésaventures du début et l’avenir sportif comme financier semblent radieux. Il faut dire que même la DNCG s’est longtemps posé la question de la viabilité de ce projet avant que le changement de cap ne donne de l’air à Gérard Lopez et ses équipes. Il s’agit surtout de profiter désormais des progrès de cette année pour poursuivre dans cette voie et ne pas connaitre à nouveau une période tumultueuse. La Ligue des champions apporte un matelas financier et médiatique non négligeable, mais peut également entraîner vers des bas-fonds que le LOSC connait.
Et au cas où il prendrait aux dirigeants lillois d’oublier à nouveau l’élément essentiel dans leur projet, à savoir le sportif, il existe un autre exemple en Ligue 1 qui pourrait rappeler des similitudes. Monaco a disputé la Ligue des champions cette saison, enfin disputer est un grand mot, y a fait figuration plutôt et doit jouer son maintien en Ligue 1 lors de la 38eet dernière journée. L’été dernier, l’ASM avait achevé de vendre tout ce qui faisait la force vive de ce club et Lille sera désormais scruté par ses supporters. Une chose semble certaine à entendre les dirigeants lillois, plus personne ne veut revivre la saison dernière.
Emmanuel Trumer