Thomas Tuchel devait révolutionner le football français grâce à ce système, Thierry Laurey ne l’a jamais abandonné avec une certaine réussite il faut le dire, Zinédine Zidane est même en train de l’envisager comme une solution pour son Real Madrid à remodeler, mais que peut alors bien cacher ce fameux système en 5-3-2 ? Modulable et permettant une assise défensive plus grande sur le papier, il permet de s’adapter à certains schémas de jeu adverses également.
De manière assez récente, il me semble que c’est à Marcelo Bielsa que revient le mérite d’avoir popularisé ce schéma tactique en France lors de son passage à l’Olympique de Marseille (2014-2015). En réalité, le système mis en place par Marcelo Bielsa consistait à quelque chose de très logique sur le papier, puisque son « 3-4-3 » devait permettre de s’adapter aux équipes se présentant avec deux attaquants de pointe. Avec une supériorité numérique dans le secteur défensif (trois défenseurs centraux pour deux attaquants) Bielsa espérait ainsi pouvoir prendre le dessus avant de repartir avec le ballon via les solutions proposées par les latéraux. Cette « couverture » que permet le troisième défenseur central doit néanmoins être compensée au milieu de terrain, c’est alors que le reste du schéma prend forme.
Plusieurs solutions s’offrent aux techniciens, et pour Bielsa le choix était particulièrement audacieux. Dans le cas du technicien argentin, les deux latéraux ont pour missions de s’intégrer aux deux joueurs du milieu de terrain pour créer du jeu et densifier ce secteur de jeu, quand les deux attaquants autour du 9 doivent s’occuper des côtés pour défendre ou dynamiter la défense adverse avant de trouver l’attaquant de pointe. Souvent, son équipe encaissait beaucoup de buts, elle en a toujours beaucoup marqué et Marcelo Bielsa et son 3-4-3 légitime ont alors conquis la cité phocéenne le temps d’une année.
Depuis, ce système a vu plusieurs évolutions en France et ce n’est pas étonnant puisqu’il peut s’articuler de plusieurs manières. Thierry Laurey en a fait une force avec son équipe du Racing Club de Strasbourg dans un registre plus rationnel mais tout aussi efficace il faut l’admettre. Les trois défenseurs sont toujours présents à la base, mais les deux latéraux s’occupent exclusivement des couloirs, défensivement comme offensivement et n’intègrent pas le milieu de terrain. C’est également le même schéma pour un entraîneur comme Michel Der Zakarian avec Montpellier, et l’apport des latéraux est conditionné aux besoins de l’équipe. Plus ou moins haut sur le terrain, ils forment ainsi le fameux 5-3-2 en position défensive, ou 3-5-2 en position offensive. Le cœur du jeu est articulé par les deux milieux de terrain accompagnés d’un numéro 10 et deux attaquants de pointe.
Pour le cas de Thomas Tuchel, l’entraîneur allemand semble avoir tellement peu confiance en ses latéraux (Bernat, Kurzawa à gauche, Meunier à droite), qu’en plus de les astreindre à leur rôle dans le couloir, il contraint deux joueurs offensifs à les accompagner sur le côté pour combler les manques défensifs. Le cœur du jeu se trouve démuni, et ce système devient ainsi totalement inutile. Voir dangereux et néfaste.
Un système pour s’adapter, mais une difficulté à la création
Globalement, ce système permet surtout de partir avec une assise défensive plus élevée sur le papier (sauf pour Marcelo Bielsa), mais il n’est pas le système idéal pour créer du jeu et dépend en réalité surtout du profil des joueurs alignés. Avec deux attaquants de pointe et un numéro 10 pour les soutenir, devant deux milieux plus travailleurs, la situation est à priori propice à la création du jeu dans l’axe, mais peut rapidement se transformer en muraille lorsque le profil des joueurs est plus défensif.
A l’étranger, Zidane doit repenser un effectif qui a longtemps fonctionné sur la force de son milieu de terrain en 4-3-3. Modulable avec un numéro 10 et deux joueurs au rôle plus défensif derrière, soit en 4-2-3-1. Mais voilà que désormais, son milieu ne court plus autant, et que Gareth Bale n’entre plus dans les plans du technicien français cette saison. Zidane est alors en train d’envisager un schéma en 5-3-2 avec un Hazard en position de meneur de jeu derrière deux attaquants. Plus d’ailier, une concentration des joueurs au milieu de terrain, et deux latéraux pour alimenter en ballons sur les côtés.
Vous l’aurez compris, qu’il s’agisse d’un atout tactique, d’une volonté de renforcer son secteur défensif, ou de renforcer l’axe du terrain en nombre, l’utilisation du 5-3-2 est désormais chose courante en Ligue 1 comme à l’étranger. Avec une utilisation parfois galvaudée, il est plus valeureux de parler de 3-5-2, ou 3-4-3, d’un point de vue de l’audace de l’entraineur, mais l’apport de ce schéma est tout de même indéniable. Et puis après tout, que Thomas Tuchel ait eu la prétention de le faire découvrir au football français, avant même de bien en maîtriser toutes les facettes, est une chose peu commune.
Emmanuel Trumer