A l’ère de la glorification des statistiques individuelles, et du peu de gout pour les efforts défensifs, un jeune milieu de terrain résiste vaillamment en Bretagne, tel un gaulois face à l’envahisseur romain. Benjamin Bourigeaud ne cesse d’impressionner depuis plus d’une saison maintenant, et son profil si polyvalent suffit à rendre ce joueur de 25 ans déjà attachant.
Il est de ces rares joueurs qui pourraient se contenter d’animer offensivement le jeu de leur équipe grâce à leurs qualités techniques, mais qui préfèrent perdre de l’énergie dans des courses peu visibles et pourtant si importantes pour leur équipe. A 25 ans, le talent de Benjamin Bourigeaud éclate peut-être tardivement au grand jour, à une époque où son coéquipier Eduardo Camavinga attire les projecteurs à 16 ans, mais depuis plus d’un an son apport est si important que Julien Stéphan ne peut plus s’en passer. Dans un rôle d’ailier, de milieu de terrain relayeur dans l’axe, ou même de meneur de jeu en numéro 10, Bourigeaud offre une multitude de possibilités sans jamais renier un effort collectif. Né dans le Nord de la France, à Calais, c’est à Lens que Bourigeaud fait ses gammes avant de découvrir la Ligue 2 et la Ligue 1, mais c’est bel et bien en Bretagne que le joueur va prendre une autre dimension.
Grâce à Christian Gourcuff à l’époque, Bourigeaud débarque à Rennes sans faire de bruit mais s’installe immédiatement dans l’équipe Rouge et Noir. Le licenciement de Gourcuff et son remplacement par Sabri Lamouchi n’affectera pas le temps de jeu de Benjamin Bourigeaud, toujours aussi indispensable, mais son rendement se trouve affaibli. Lamouchi est à son tour remercié et c’est alors que le jeune Julien Stéphan débarque sur le banc breton pour sa première expérience en professionnel. Une révélation pour l’entraîneur français comme pour Benjamin Bourigeaud, qui n’aura jamais été aussi bon que depuis l’intronisation de Julien Stéphan.
Grâce à des buts remarqués face à Arsenal en Coupe d’Europe ou face à Marseille en Ligue 1, Bourigeaud a attiré le regard de plusieurs clubs européens mais devrait rester une saison de plus en Bretagne malgré des offensives à près de 20 millions d’euros. Cela montre aussi l’importance du milieu de terrain pour Julien Stéphan qui l’utilise le plus souvent à droite de son milieu de terrain, mais qui n’hésite pas à le faire évoluer dans d’autres secteurs comme l’entrejeu. L’apport tellement important par la multiplication des courses, offensives comme défensives, et sa qualité technique avec le ballon dans les pieds en font un joueur particulier du Championnat de France.
Jusqu’où peut aller Benjamin Bourigeaud ?
Se pose alors la question des capacités d’un joueur qui est encore en pleine bourre mais qui n’est plus un novice non plus. Je pense très honnêtement que Bourigeaud devrait rester une saison de plus afin de confirmer une nouvelle année pleine avec Rennes et ensuite pouvoir aller se frotter à un environnement encore plus fort peut-être. Toujours est-il que celui qui a déjà porté le maillot de l’Équipe de France en équipes de jeunes peut rêver haut, et même pourquoi pas un jour taper dans l’œil du sélectionneur Didier Deschamps. Un milieu tout terrain, intéressant offensivement et défensivement, pouvant jouer dans l’axe comme à droite, cela ne vous rappelle rien ? Pourtant le profil de Benjamin Bourigeaud pourrait faire penser à celui de Moussa Sissoko, récemment rappelé en Bleu, et dont le profil polyvalent plait tant au sélectionneur tricolore.
Face au Paris Saint-Germain, ce dimanche soir, Bourigeaud a pu montrer une nouvelle fois sa capacité à se sacrifier pour un collectif, même lorsqu’il n’est pas décisif offensivement grâce à un but ou une passe décisive. Face à l’ogre parisien, d’autres partenaires ont brillé devant, et lui s’est rangé comme un soldat pour aider à abattre un adversaire plus fort. La définition du football vrai quelque part, auquel Benjamin Bourigeaud ressemble tant. Ce frêle ailier que l’on a tous vu un jour dans un stade amateur, si à l’aise avec le ballon, devenu une machine à en récupérer et à les distribuer. Cet ailier devenu une sorte de Beckham breton.
Cette éclosion est autant le fruit d’un travail personnel quotidien, que son association avec un coach ambitieux et surtout alerte à l’évolution de ses talents. Dans un effectif amputé de quelques-uns de ses maillons forts lors de ce mercato estival (Ismaila Sarr, Benjamin André, Ramy Bensebaini), Rennes sait qu’il peut compter sur un vaillant soldat que l’on ne demande qu’à admirer de nouveau. Désormais Bourigeaud est le leader qui doit mener cette équipe à une saison plus belle encore, avec le brassard de capitaine au bras ou pas, et entraîner avec lui les talents de demain comme Eduardo Camavinga. Et si en réalité Beckham était Breton ?
Emmanuel Trumer