Désormais officielle, l’arrivée de Julian Nagelsmann sur le banc du Bayern Munich sera effective à partir du 1er juillet prochain. Pour un montant avoisinant les 25 millions d’euros, versé à Leipzig, Nagelsmann devient l’entraîneur le plus cher de l’histoire. Mais est-ce réellement une surprise pour celui qui ne cesse de battre les records depuis le début de sa carrière ? Le plus grand défi l’attend désormais à Munich, en Bavière, où Hansi Flick aura tout gagné avant lui.
La valse des entraîneurs allemands au sein de la Bundesliga vient de connaitre un épilogue retentissant. Alors que Dortmund s’est attaché les services de Marco Rose, l’actuel entraîneur du Borussia Mönchengladbach, pour la prochaine saison, tandis que Gladbach de son côté a récupéré Adi Hütter (actuellement à Francfort), c’est le géant bavarois qui a officialisé l’arrivée de Nagelsmann pour l’été prochain. En payant la somme de 25 millions d’euros à Leipzig, le Bayern Munich en a fait le coach le plus cher de l’histoire et démontre ainsi son ambition pour la suite. Un avenir dans lequel ne s’inscrit pas Hansi Flick, actuel coach bavarois, qui quittera le club à la fin de la saison en cours. En dix huit mois, Hansi aura tout gagné. Un triplé pour ses premiers mois à la tête du club (Ligue des Champions – Bundesliga – Coupe d’Allemagne) mais également l’instauration d’un jeu extrêmement séduisant. Pour ce faire, l’ancien adjoint de Joachim Low avec la sélection allemande s’est appuyé sur les principes de jeu de son prédécesseur, Pep Guardiola, tout en y ajoutant sa vision du football. Pas de choix entre Thomas Muller et Robert Lewandowski, pas de Muller à droite non plus, les deux ont occupé le front de l’attaque bavaroise ensemble. Soutenus par des ailiers offensifs tels que Kingsley Coman et Serge Gnabry ou Leroy Sané depuis l’été dernier, et deux milieux tout terrain en la personne de Leon Goretzka et Thiago ou Joshua Kimmich depuis le départ de l’Espagnol pour Liverpool, les attaquants se sont régalés au coeur d’une exceptionnelle machine à buts.
Collectivement, on a pu retrouver ce qui avait été mis en place sous le règne de Pep Guardiola, à savoir un bloc équipe très haut, la volonté d’avoir la possession du ballon et de dominer les matches, et une grosse activité à la perte du ballon pour ne pas laisser ressortir les adversaires et profiter des espaces laissés par le Bayern. Des espaces, le Bayern en a laissé et a encaissé des buts, mais la domination totale s’est matérialisée par cette capacité à marquer à tout moment, grâce un à un système offensif proche de la perfection. Ce qu’a amené Flick, en plus, c’est sa soif d’étouffer encore davantage offensivement l’opposition avec une présence accrue dans les trente derniers mètres et la surface adverses, quand Pep Guardiola préfère densifier son milieu de terrain. Si un choix pouvait illustrer la mentalité du coach Hansi Flick, en plus des deux attaquants axiaux et des deux ailiers au profil offensif, ce serait certainement le repositionnement de Leon Goretzka un cran plus bas sur le terrain aux côtés de Thiago puis de Kimmich. Alors que l’ancien joueur de Gelsenkirchen évoluait comme deuxième attaquant juste avant l’arrivée de Flick, l’entraîneur l’a fait descendre dans un rôle de numéro 6 pour récupérer des ballons et ainsi libérer une place devant, en attaque.
Que ce soit avec Goretzka – Thiago, ou avec Goretzka – Kimmich, les deux milieux du Bayern Munich ont toujours eu un apport offensif conséquent et cette équipe s’est transformée en machine à gagner. Le repositionnement de Joshua Kimmich est un autre exemple de la volonté forte du coach bavarois de rendre cette équipe sur armée offensivement. Le génial joueur allemand avait déjà changé de poste avec Pep Guardiola, passant de latéral droit à défenseur central, pour sa capacité à relancer proprement et à jouer avec ballon. Là encore, Hansi est allé plus loin pour faire de Kimmich l’un des meilleurs milieux de terrain de la planète. Il ne faut pas oublier non plus l’apport des deux latéraux dans cette équipe version Hansi Flick, et nous avons jusqu’à huit joueurs qui peuvent amener le danger dans la surface de réparation adverse. C’est l’ADN du Bayern, et Hansi s’est senti comme chez lui. Que ce soit individuellement (Lewandowski aurait dû remporter le Ballon d’Or annulé pour cause de Covid) ou collectivement, nous avons peut-être vu la plus grande équipe de football depuis le Barça de 2009, qui avait régné sur la planète. La victoire sur le score de 8-2 face à Barcelone justement, lors du sacre européen bavarois, aura été un joli clin d’oeil. La suite aura été plus compliquée, notamment à cause de conflits internes avec la direction au sujet du mercato, et si le Bayern Munich pourra fêter un nouveau sacre national dans quelques jours, le club comme l’entraîneur ont senti un besoin de changement. Hansi se dirige vers la sélection allemande après l’Euro cet été, pour en être le chef cette fois-ci, et le Bayern a misé sur la jeunesse pour tenter de lancer un nouvel Age d’Or.
Nagelsmann, génie précoce
C’est donc à Julian Nagelsmann, 33 ans, que revient la lourde mais très excitante tâche de tout rafler avec le Bayern Munich. Un club habitué aux trophées. Certainement lassé de voir ses meilleurs éléments quitter le club lors de chaque fenêtre de mercato, Nagelsmann se lance dans le plus grand défi de sa jeune carrière. Un parcours déjà auréolé de succès pour celui qui a réussi des miracles à Hoffenheim d’abord, puis au sein de l’écurie Red Bull. Demi-finaliste de la Ligue des champions la saison dernière, second de Bundesliga et à la lutte jusqu’au bout, Nagelsmann a certainement senti que les limites avaient été atteintes dans ce projet. Au Bayern, ce sera un tout autre enjeu dans un club où les places d’honneur sont synonymes d’échec. Nagelsmann y retrouvera notamment Dayot Upamecano, son défenseur à Leipzig, lui aussi acheté par le Bayern en vue du mercato estival et les choix du jeune technicien seront scrutés à tous les niveaux.
Dans le jeu d’abord, Nagelsmann n’a pas de schéma tactique préférentiel, au contraire d’Hansi Flick, mais possède peut-être une panoplie plus large. Aussi à l’aise lorsqu’il s’agit de faire défendre son équipe et réduire les espaces avec une défense à cinq éléments, que lorsqu’il faut créer le jeu et avoir des positions plus ambitieuses sur le terrain, Nagelsmann devra tout de même veiller à ne pas dénaturer l’ADN d’un Bayern qui s’est toujours voulu très offensif et dominateur. Les premiers schémas seront observés, et si plus d’équilibre pourrait être bénéfique à cette équipe, il ne faudrait pas oublier que ce club a gagné les plus beaux titres avec une furieuse envie de jeu. Idem au niveau de la structure globale du club, qui n’est pas la même qu’à Leipzig et dans laquelle Nagelsmann va devoir s’incorporer. Au RBL, le coach était la pierre angulaire du projet, et si l’investissement du Bayern pour lui semble laisser une certaine latitude, il faudra tout de même composer avec un board très présent à Munich, et des anciens dont l’avis pèse à tous les niveaux du club. L’idée est excitante, retrouver des joueurs qui comptent parmi les meilleurs de la planète football et un coach qui est certainement le plus complet de sa génération. Un entraîneur plus jeune que son futur capitaine, Manuel Neuer, mais qui a la capacité pour s’imposer grâce à ses idées. Dans un vestiaire compliqué, désireux d’évoluer dans un projet de jeu ambitieux, Nagelsmann devra certainement s’appuyer sur ses connaissances offensives pour parvenir à faire l’unanimité. Des joueurs qui tomberont volontiers sous le charme de Nagelsmann, à condition de pouvoir s’exprimer aussi librement que ce fût le cas avec Hansi Flick.
Il ne reste plus qu’à souhaiter les mêmes succès pour Nagelsmann, davantage même peut-être, pour un entraîneur qui entre désormais dans la cour des grands. Armé individuellement grâce à ses qualités, et maintenant collectivement, pour tout gagner, Nagelsmann doit confirmer tous les espoirs placés en lui et mener le Bayern Munich vers son nouvel Age d’Or.
Emmanuel Trumer