Un an après l’arrivée de Julian Nagelsmann sur le banc du club bavarois, le bilan de l’ancien entraîneur de Leipzig n’est pas bon. Certes, le Bayern a été sacré Champion d’Allemagne mais la cinglante élimination en Coupe d’Allemagne suivie de l’affront en Ligue des Champions face au modeste Villarreal posent des questions. La Bundesliga est un trophée habituel en Bavière, et le 10esacre ne peut donner entièrement satisfaction. Julian Nagelsmann sera encore le coach du Bayern Munich la saison prochaine, mais les dirigeants du club munichois commencent à empiéter sur la zone de décision du technicien allemand.
Recruté pour 25 millions d’euros en provenance du RB Leipzig, Julian Nagelsmann est arrivé en Bavière pour tenter de lancer un nouveau cycle de victoires. Hansi Flick a rejoint la sélection allemande après avoir réussi à remporter la Ligue des Champions avec le Bayern, et Nagelsmann était alors perçu comme une solution très crédible au regard des bons résultats obtenus avec Leipzig. Un choix plutôt cohérent, même si Nagelsmann n’avait jamais battu le Bayern, mais un risque tout de même puisque la philosophie de jeu de l’entraîneur pouvait se heurter à des joueurs beaucoup plus aguerris, moins flexibles, et certainement moins enclins à entendre et apprendre de nouveaux préceptes de jeu. Ces mêmes joueurs du Bayern Munich ont absolument tout remportés dans un schéma tactique bien précis et l’idée de bousculer les acquis aura finalement accouchée d’un terne résultat global. Nagelsmann utilise différents schémas avec ses équipes, mais il l’a confirmé lui-même lors d’une interview : son schéma tactique préféré est le 3-4-3. Trois défenseurs centraux, un joueur dans chaque couloir, deux milieux axiaux, puis deux joueurs assez libres qui tournent autour d’un attaquant. Dans cette optique, Nagelsmann s’est confronté à un premier problème à savoir celui de devoir convaincre d’abord ses joueurs, puis ses patrons du Bayern. L’entraîneur a bénéficié dans un premier temps d’un environnement si structuré que tout le monde a accepté de découvrir autre chose. Mais lorsque cela a commencé à caler tactiquement, les joueurs du Bayern sont devenus sceptiques, à juste titre.
Dans son idée préférentielle de 3-4-3, Julian Nagelsmann a aligné deux ailiers au poste de latéraux dans les couloirs. Que ce soit Coman, Gnaby, ou Sané, les trois joueurs au poste bien défini d’ailier ont du servir d’essuie tout dans leur couloir avec un très grand rôle défensif qui ne peut pas leur convenir. Nagelsmann s’est trompé, et n’a jamais songé à positionner différemment ses joueurs. Dans un couloir, un ailier doit avoir la liberté de pouvoir provoquer balle au pied quand il le souhaite, il doit également pouvoir être assez libre pour rentrer dans l’axe et apporter un surnombre précieux, mais dans le rôle attribué par Nagelsmann, les ailiers ont une importance défensive qu’ils ne peuvent pas tenir. C’est une incompatibilité et c’est ici une erreur puisqu’il est impossible de positionner des joueurs à des postes qui ne leur conviennent pas. Ce n’est pas l’entraîneur qui pense que tel joueur peut entrer dans son idée précise, mais l’entraîneur qui doit trouver le moyen de mettre ses joueurs dans les meilleures dispositions. Hansi Flick avait tout compris, et le résultat aura été sublime.
Hormis le problème des positionnements individuels, l’idée tactique de Nagelsmann ne s’est pas installée dans le temps. Adepte des changements réguliers, Nagelsmann aura également aligné des défenses à 4 et finalement n’aura installé aucun système viable puisque son idée de départ était déjà arrêtée. Face à Salzbourg en 8e de finale, cela aura suffi pour venir à bout d’un adversaire si naïf qu’il a laissé des espaces monstrueux aux joueurs du Bayern qui ont pu en profiter à leur guise. Face à Villarreal et une équipe beaucoup plus organisée tactiquement, le Bayern a longtemps essayé de faire le jeu sans réussite avant de sombrer sur un contre fatal à la 89e minute. Un changement payant pour Emery, mais surtout un plan millimétré que Nagelsmann n’avait jamais vu venir. Il n’a absolument rien senti alors que tout était devant lui. Lewandowski s’est retrouvé isolé à la pointe de l’attaque, l’utilisation de Muller a été un immense gâchis, et finalement c’est tout le groupe actuellement sous la houlette de Nagelsmann qui ne comprend pas bien la ligne directrice.
Quels changements pour Nagelsmann et le Bayern ?
Adepte de ce schéma tactique, il semble délicat d’imaginer l’entraineur allemand changer sa vision du jeu. Mais ses joueurs, eux, ne s’imaginent pas revivre une saison comme ils l’ont fait. Robert Lewandowski auteur de 50 buts à titre personnel cette saison a demandé son transfert, et le Bayern peine à mettre en place un projet cohérent. La solution est pourtant à portée de mains, avec un effectif taillé pour évoluer dans un autre schéma et qui attend désormais de savoir comment il devra affronter la nouvelle saison. Coman, Gnabry, Sané ne pourront pas accepter d’avoir le même role un an de plus, Kimmich ne pourra pas accepter d’être livré à lui-même dans un milieu de terrain qui n’est absolument pas maitrisé, et il faut se pencher sur le successeur de Lewandowski. C’est d’ailleurs une chose étonnante pour un entraîneur qui se réclame de la lignée de Pep Guardiola d’avoir un milieu de terrain si peu maitrisé, là où l’entraineur espagnol en a fait son terrain de jeu. Nagelsmann cherche peut-être d’autres solutions, pour faire coller ce Bayern à son idée, mais en réalité ce sera à l’entraineur allemand de mettre ses joueurs dans les meilleures conditions de jeu. Aujourd’hui, le Bayern est une équipe fébrile qui n’a plus de certitudes dans le jeu. La machine à buts de l’ère Hansi Flick ne fonctionne plus, et la stabilité défensive recherchée n’apparait jamais. Lorsque Nagelsmann aura compris que ce n’est pas en mettant une défense à trois dans l’axe qu’il aura forcément un résultat positif, son club aura fait un grand pas.
La défaite 5-0 en Coupe d’Allemagne face à Gladbach était certainement un premier avertissement de la part même de ses joueurs. Des joueurs professionnels qui ont la capacité de lâcher un match pour faire passer un message. Ces joueurs ont tout gagné, aspirent à le faire à nouveau, et ne veulent pas remettre leur avenir dans les mains d’un entraîneur aussi ambitieux soit-il mais qui ne veut pas s’adapter à leurs profils. Le poste d’entraineur au Bayern Munich est une responsabilité telle, que la pression est forcément présente et les balbutiements proscrits.
Il est délicat de se prononcer aujourd’hui sur le futur schéma et le futur plan de jeu du Bayern dirigé par Julian Nagelsmann, mais il y a fort à parier que cela ne pourra pas passer par les mêmes errements. Un schéma en 4-2-3-1, que le Bayern connait parfaitement, est la solution la plus crédible, avec une possibilité de renforcer le milieu de terrain ou la ligne offensive en fonction de l’adversaire et du besoin. L’effectif du Bayern est riche, et vouloir imposer une idée à tout prix, qui plus est une idée qui ne convient pas aux joueurs, est un fonctionnement à oublier. C’est en allant dans le sens de ses joueurs, avec une volonté de produire un football offensif, que le technicien allemand pourra emmener ses joueurs avec lui. Ce ne sont pas les mêmes attentes à Leipzig et au Bayern, et Nagelsmann n’apparait absolument pas comme un maitre tacticien auprès des joueurs du Bayern. C’est ici une donnée importante, car sans ce changement l’aventure s’arrêtera tôt l’année prochaine. Avec un club qui a investi beaucoup d’argent pour son entraîneur, la patience est de mise, mais les dirigeants du Bayern voient que le contenu pur en matière de football ne colle pas à l’identité du club bavarois. Reste à savoir désormais sur quel schéma tactique repartira le Bayern cet été et l’année prochaine, en espérant y voir une once de logique, de volonté de retrouver l’identité pure de ce club, et en espérant également que l’entraineur Nagelsmann puisse réussir car le Bayern est un club qui mérite de produire le plus beau football chaque année.
Emmanuel Trumer