Vainqueur du Canada sur la plus petite des marges pour son entrée dans la compétition, la Belgique se rassure avec les trois points de la victoire. Le contenu, lui, doit être source d’analyse et de travail parce qu’il ne permet pas de se satisfaire totalement malgré le score. La première période belge était d’un niveau proche de zéro, la deuxième période a été mieux gérée grâce aux changements.
Le partage des points entre le Maroc et la Croatie un peu plus tôt dans la journée devait donner des ambitions aux deux équipes de l’affiche de la soirée. Le Belgique et le Canada avait l’occasion de s’emparer de la tête de leur groupe avec une victoire, et malgré un but d’avance au tableau d’affichage à l’issue des 95 minutes la Belgique a bien failli laisser échapper cette victoire. La première période a été quasiment totalement à l’avantage du Canada, présent au pressing très haut sur le terrain et capable de profiter d’une organisation belge qui n’avait pas de cohérence.
Le choix de mettre Yannick Carrasco dans le couloir gauche, sur son mauvais pied, et dans un rôle défensif est une aberration qui a failli coûter des buts. Cela semblait déjà être le cas au moment de l’annonce de la liste sélectionnée pour les Diables Rouges, et cela s’est confirmé en 45 minutes avec une équipe du Canada qui a fortement appuyé dans ce secteur de jeu. Les espaces entre Vertonghen et Carrasco ressemblaient à des tranchées, et quasiment toutes les situations sont venues de cette zone du terrain contre la Belgique. Le Canada a été récompensé de son entame de match par un penalty, mais Courtois a encore montré pourquoi il était le meilleur gardien du monde.
Décisif sur le penalty, il a également repoussé les quelques tentatives suivantes et permis à son équipe de ne pas encaisser de but au plus fort de la tempête. C’est la Belgique qui a ouvert le score sur l’une de ses toutes premières situations, grâce à Batshuayi et qui a pu rentrer au vestiaire avec un avantage d’un but presque inespéré. Sans des changements il y a fort à parier que le Canada serait revenu au score en deuxième période, et c’est certainement sur ce point que la Belgique a pu l’emporter. Avec des changements judicieux, au bon moment, les Diables ont préservé leur victoire et peuvent souffler après le premier match.
Un contenu qui ne peut pas être suffisant
La Belgique a agi avec réflexion pour se sortir d’un match extrêmement compliqué, et malgré un contenu qui aurait pu aboutir à un résultat tout autre. Si la matière présentée ne permet pas de s’assurer une victoire plus large et plus tranquille, il reste alors à pouvoir agir sur son équipe pour masquer des lacunes et c’est exactement ce qu’a fait la Belgique face au Canada. La sortie de Carrasco à la pause pour un latéral a permis de concéder beaucoup moins d’espace à l’adversaire et de consolider une équipe fragile dans sa moitié de terrain.
Il faudra repasser pour la création, pour la capacité à imposer une domination dans un jeu de possession et un jeu de position plus haut sur le terrain, mais la Belgique peut au moins se satisfaire d’avoir stabilisé une équipe qui prenait l’eau. Peu importe d’où sont venues les idées, par qui elles sont venues, elles montrent qu’il est possible d’agir peu importe le contexte. Les Diables Rouges prennent la pole position de ce groupe complété par le Maroc et la Croatie, mais doivent comprendre qu’il faudra un autre visage pour les deux autres matchs de la phase de groupes. La Croatie aura à cœur de racheter sa mauvaise entame, et le Maroc voudra confirmer son bon match tout y en ajoutant une capacité à peser offensivement. Il faudra certainement moins de situations que le Canada, qui a été maladroit dans le dernier geste, et la Belgique ne pourra pas toujours se sortir de situations aussi compliquées.
Le retour de Lukaku à la pointe de l’attaque sera forcément précieux, mais ce n’est pas le secteur offensif qui doit être pensé en priorité pour le staff belge. L’incapacité à créer le jeu au milieu de terrain, l’incapacité à permettre de trouver Kevin De Bruyne de manière régulière, et globalement la volonté d’agir uniquement sur des transitions rapides n’est pas viable pour une équipe qui se veut complète. C’est exactement ce qui a fait défaut à la Belgique en 2018, lors de l’élimination face à la France, et cela semble toujours être un problème d’actualité. Les Belges ne seront diaboliques que lorsqu’ils pourront présenter des forces variées, et affirmer un statut qui dépend pour l’instant de facteurs trop peu solides.
Emmanuel Trumer