Auteur de 25 buts cette saison, deuxième derrière Kylian Mbappé dans ce classement, Wissam Ben Yedder a réalisé une saison parfaite d’un point de vue individuel. Avec un profil très particulier dans le jeu, la réussite de l’attaquant passe par la compréhension de sa bonne utilisation dans un schéma collectif, et la fin de saison canon de l’ASM provient de sa mise en lumière.
Depuis l’époque de Leonardo Jardim et le titre de Champion de France accompagné d’une demi-finale en Ligue des Champions sur le Rocher, rares sont les monégasques à pouvoir prétendre bénéficier du statut de « star ». Ben Yedder n’était pas là à l’époque, mais son transfert pour 40 millions d’euros en provenance de Séville à l’été 2019 a détonné dans une idée globale monégasque davantage tourné vers les plus jeunes joueurs. Un pari également puisque WBY possède un profil d’attaquant rare, qui nécessite un schéma collectif particulier pour le mettre en valeur. C’est un numéro 9 qui a besoin d’être très proche d’un autre attaquant dans sa zone axiale pour réussir à trouver des espaces et peser face aux défenses adverses. Avec Slimani d’abord, avec Volland ou Boadu désormais, c’est dans cette idée d’une attaque à deux têtes que Ben Yedder peut s’exprimer pleinement et il aura fallu un temps conséquent à Monaco pour le comprendre. Niko Kovac ne l’a d’ailleurs jamais compris, préférant même se passer d’un joueur aussi onéreux et aussi talentueux plutôt que de chercher les solutions pour le mettre en valeur.
Kovac est parti, et Clément l’actuel coach de l’ASM a mis du temps avant de comprendre quel était le profil de Ben Yedder. Utilisé seul en pointe, avec Jean Lucas très éloigné de lui, Ben Yedder a encore connu des semaines de galère avant de voir la lumière, tout du moins avant d’être compris par l’entraîneur belge qui a fait preuve ici d’une belle adaptabilité. Une réussite qu’il faut souligner car c’est un pas en avant dans l’idée d’une construction cohérente autour des joueurs et non pas en fonction de l’idée d’un coach qui ne compte pour rien à côté de son groupe. Einstein ou pas.
Toujours est-il que Ben Yedder a trouvé de la constance dans une organisation collective plus cohérente, et miracle : Monaco a trouvé des résultats individuels et collectifs. L’ancien joueur de Futsal est extrêmement à l’aise dans les petits espaces grâce à une capacité à conserver le ballon, à jouer juste pour trouver ses coéquipiers dans les 25 derniers mètres adverses, et son petit gabarit lui permet d’être assez insaisissable pour les défenseurs. En plus de cette aptitude à faire jouer les autres, WBY est un redoutable attaquant face au but qui loupe très peu d’occasions. Un mélange explosif, mais une particularité donc dans l’utilisation et l’organisation qu’il faut mettre en œuvre. Seul en pointe d’une attaque, Ben Yedder n’existera pas et c’est ici que réside tout l’enjeu pour parvenir à rendre intéressant un joueur très fort individuellement. Le Futsal aura certainement accentué ses aptitudes avec ballon, sa qualité technique, et ce sont tous ses coéquipiers monégasques qui peuvent le remercier pour les neuf victoires consécutives en fin de saison car il a terminé comme un boulet de canon entouré de la bonne manière.
Ben Yedder, un joueur sous-coté ?
Si le prix de Wissam Ben Yedder a pu paraitre élevé à son arrivée sur le Rocher, et pour moi le premier, c’est parce que l’attaquant français nécessite une organisation particulière autour de lu donc, quand d’autres numéros 9 sont certainement plus naturellement adaptés à un schéma avec une seule pointe. C’est d’ailleurs le souci qu’a longtemps connu Monaco, mais ces difficultés sont aujourd’hui derrière et Philippe Clément semble vouloir avancer avec l’international français. Un joueur qui devrait désormais intéresser des clubs plus armés financièrement et également plus ambitieux au niveau des trophées, mais WBY est très peu souvent associé aux fenêtres mercato. Peu en vue dans les médias, réservé, il est à l’opposé d’un foot qui se dirige de plus en plus vers l’objet marketing. Avec WBY il faut regarder ses qualités individuelles et non pas son compte Tiktok, et s’il était amené à rester sur le Rocher alors ce serait une merveilleuse nouvelle pour son club monégasque maintenant que son profil individuel est compris.
Avec un contrat jusqu’en 2024 il semble de toute façon difficilement imaginable pour Monaco de faire une plus-value sur lui, et il serait préférable de penser à renforcer l’équipe autour de lui plutôt que de le vendre. En plus d’être buteur Ben Yedder est un créateur de jeu, un joueur capable de décrocher bas sur le terrain pour permettre une maitrise dans la possession et permettre à ses coéquipiers de trouver des espaces dans la profondeur. Un profil individuel complet, qui demande une réflexion collective. Longtemps incapable d’être compris dans son jeu, Ben Yedder semble enfin trouver son réel niveau ou plutôt son réel rendement pour un joueur qui a toujours eu les mêmes qualités. Il restait encore à les saisir et c’est désormais chose faite à Monaco. Un club qui va disputer les barrages de la prochaine édition de la Ligue des Champions et qui a besoin de lui pour espérer atteindre la phase de groupes.
Monaco semble plus armé dans sa philosophie de jeu que la saison passée avec Kovac, a également l’expérience d’un match à fort enjeu qui lui servira, et Wissam Ben Yedder peut être tenté de rempiler pour réussir le barrage cette fois-ci. Monaco est un club qui doit viser le podium en Ligue 1 et la Ligue des Champions tous les ans, dans sa structure et ses ambitions, et cela tombe bien puisque Ben Yedder est un joueur qui se situe au même niveau. Un mariage réussi, avec le temps, et l’apport des Dieux.
Emmanuel Trumer