Qualifié pour les quarts de finale de la Coupe du Monde, le Brésil nourrit des ambitions après une victoire convaincante en huitième de finale. Une victoire qu’il faut tout de même relativiser à la vue de l’adversité, mais le Brésil trouve une continuité intéressante dans sa production. Des choix tactiques forts, des individualités au service d’un collectif, et des danses qui illustrent la joie de vivre.
Commençons tout de suite par un sujet qui a animé les débats et qui, disons-le, a souvent été mal interprété. On le sait, la Coupe du Monde réunit un public beaucoup plus large que le football de clubs ce qui est un avantage indéniable mais ce qui amène également certaines incompréhensions. Non, les danses des joueurs brésiliens face à la Corée du Sud n’avaient pas pour but de dénigrer, de chambrer, de se moquer, mais voulaient simplement traduire une joie qui émerge de ce groupe et de cet effectif. Au-delà d’une culture ancrée dans les racines de ce pays et de son football, c’est une équipe qui prend plaisir à évoluer ensemble.
Un ensemble parfaitement géré par le sélectionneur Tite qui est très proche de ses joueurs. Il l’a d’ailleurs clairement expliqué en conférence de presse : Tite doit trouver des moyens pour se connecter à ses joueurs et la danse en fait partie. Les joueurs brésiliens dansent en toute circonstance, en club, en sélection, avant les matchs, pendant les matchs, après les matchs, et la danse illustre une manière de percevoir le football qui est assimilé à une fête. Même s’il est un métier, il reste le jeu qui procure de la joie et qui transmet des émotions. Comme la danse, certainement.
Le fait d’avoir un groupe uni, d’être proche de ses joueurs, sont des données extrêmement précieuses dans la réussite d’une équipe mais elles ne suffisent pas, évidemment, à gagner des matchs de football. Cela serait trop simple, il suffirait de convoquer uniquement des amis pour gagner la Coupe du Monde mais le Brésil de cette édition 2022 possède bien d’autres atouts dans sa manche. L’évolution est notable dans différents aspects et notamment d’un point de vue tactique. Le Brésil n’est plus cette équipe qui possède des individualités lâchées sur le terrain sans plan de bataille, il y a au contraire une vraie réflexion qui a été menée pour trouver une cohérence collective mais également une osmose entre les idées plutôt défensives de Tite d’un côté, et la matière offensive dont dispose le sélectionneur d’un autre côté.
Un ensemble complet, une réflexion aboutie
Un parfait mélange, bien loin des hésitations du passé et une époque où Tite demandait des conseils à Carlo Ancelotti à propos de l’utilisation de Vinicius. La mise en place tactique actuelle est extrêmement audacieuse avec un schéma en 4-4-2 qui compte cinq attaquants en son sein. Lucas Paqueta est positionné au milieu de terrain à côté de Casemiro, tandis que d’autres entraineurs le positionnent comme attaquant de pointe, et permet une liaison totale entre les différents secteurs de jeu.
Vinicius à gauche, Raphinha à droite, Neymar et Richarlison dans l’axe complètent le tableau d’une équipe qui n’est pas déséquilibrée pour autant. La capacité à proposer un bloc compact, avec des efforts sans ballon fournis par tous les joueurs, permet de proposer un ensemble si complet et tord le cou par la même occasion aux préjugés qui voudraient qu’une équipe ne pourrait pas être cohérente avec autant d’attaquants sur le terrain. Tite est parvenu à trouver le bon équilibre entre ses idées personnelles et l’obligation de peser sur le jeu par de la création, par une capacité à inscrire quatre buts en 35 minutes lors du huitième de finale de Coupe du Monde. Des questions restent encore en suspense, comme la possibilité d’aligner cette idée en quart de finale face à la Croatie, un adversaire plus fort, mais d’un point de vue très personnel c’est une idée que je n’aurais pas remis en cause jusqu’à une éventuelle finale.
Les possibilités tactiques qu’offre ce onze de départ sont immenses, et nous avons d’ailleurs pu observer une différence de contenu notable lors du seul match joué dans une autre idée, face à la Suisse. La rencontre face au Cameroun n’entre pas vraiment en compte puisque dix des onze titulaires n’étaient pas sur le terrain pour ce troisième match de la phase de groupes avec une qualification pour le tour suivant déjà acquise. Le Brésil avance en étant sûr de ses forces, qui sont nombreuses, et peut légitimement ambitionner une sixième étoile de Champion du Monde. Dans sa moitié de tableau, le Brésil peut craindre une confrontation face à l’Argentine qui est une équipe assez redoutable sur le plan tactique grâce à son entraineur Scaloni, et cette éventuelle affiche promet en tout cas des sommets attendus. Un match qu’il ne faut pas jouer en avance, puisqu’il reste encore l’obstacle croate pour le Brésil, et les Pays Bas pour l’Argentine.
Emmanuel Trumer