Euro 2021 : Des bleus à l’économie

Après trois matches et la fin de la phase de groupes de l’Euro, le bilan des Bleus est mitigé. Certes, la première place d’un groupe difficile permet d’aborder plus sereinement les 8e de finale et c’est bien là le principal, mais le contenu des matches de l’Equipe de France peut tout de même interroger pour la suite. Seule la première rencontre face à un adversaire allemand peu en forme aura été une réussite, avant de montrer de la suffisance face à la Hongrie, et de fonctionner à l’économie face au Portugal. Retour sur la phase de groupes des Bleus, avec ses bonnes et mauvaises surprises.

Que faut-il retenir après les trois premiers matches de l’Equipe de France dans cet Euro ? Les optimistes vont certainement se tourner vers la première place, l’objectif atteint d’éviter l’Angleterre au prochain tour, ce qui aurait été le cas à la 2e place, ou pire encore la Belgique ce qui serait arrivé avec la 3e place. Les autres vont certainement retenir un jeu encore peu léché, la difficulté à dominer complètement les matches, et des comportements suffisants face à la Hongrie l’équipe le plus abordable du groupe des Bleus. La réalité se trouve certainement entre les deux avec une entrée plutôt réussie dans la compétition, puis deux matches moins aboutis ensuite et la sensation tout de même que cette Equipe de France en a encore sous la semelle pour la suite de la compétition. Face à l’Allemagne d’abord, c’est le visage plutôt intéressant des Bleus qui était affiché avec la volonté de bien entrer dans le tournoi et de faire valoir un statut de Champion du monde en titre. Jamais les Bleus n’ont martyrisé la Manschaft dans le jeu, mais un sentiment de puissance s’est dégagé de cette rencontre avec cette impression de pouvoir accélérer à tout moment. Après un premier quart d’heure plutôt neutre, les Bleus ont mis la pression dans la moitié de terrain adverse et c’est Lucas Hernandez qui a amené le premier but dans son couloir avec un centre au point de penalty et un but contre son camp pour Hummels. l’Allemagne a semblé impuissante face à la solidité défensive de l’Equipe de France, et même si les Bleus ne sont pas parvenus à enfoncer le clou il y a tout de même eu des opportunités avec les buts refusés pour hors jeu à Benzema et Mbappé. L’impression dégagée à l’issue de la rencontre était positive, et on se disait alors que les Bleus allaient poursuivre dans cette voie pour faire forte impression lors de cette phase de groupes. La suite aura été plus compliquée.

Face à la Hongrie, l’Equipe de France a montré un tout autre visage, celui de la suffisance, du manque de combativité, du manque d’idée également, et le but égalisateur tardif inscrit par Griezmann est venu atténuer une performance ratée dans son ensemble. Après une prestation collective plutôt intéressante face à l’Allemagne, le relâchement a peut-être été inconscient mais il n’est pas pour autant légitime dans une compétition aussi importante. La chaleur, la présence d’un très nombreux public acquis à la cause de la Hongrie à Budapest, sont également un contexte qu’il faut prendre en compte mais qui n’explique pas le match raté des Bleus. Ce sont d’abord les attitudes coupables des joueurs de Didier Deschamps qui ont failli individuellement et qui ont été coupable d’aborder ce match de manière beaucoup trop tranquille. Le test allemand passé, la tentation était grande de se relâcher ce qui a été le cas et ce qui a presque couté la défaite. Les interrogations ont commencé à naître sur l’apport de Karim Benzema dans cette équipe, mais l’attaquant du Real Madrid en a vu d’autres et a éteint le débat dès le match suivant face au Portugal.

Avec une course que l’on avait pas encore vu jusque là, dans le sens opposé à ce qu’il avait proposé jusqu’à présent c’est à dire vers la surface de réparation adverse et non pas vers sa propre moitié de terrain, Benzema est parvenu à justifier sa présence à la pointe de l’attaque des Bleus dans le groupe de Didier Deschamps. Auparavant il était déjà parvenu à faire trembler les filets grâce à un penalty généreusement accordé à Kylian Mbappé, et ce doublé signe certainement l’entrée dans la compétition de Benzema. Désormais libéré du poids de son retour, enfin décisif offensivement, Karim Benzema sait ce qu’il lui reste à faire. C’est très certainement la bonne nouvelle à sortir d’un match que les Bleus ne sont jamais parvenus à maitriser, que ce soit en première période ou en deuxième même après la passe décisive de Pogba pour Benzema. Les Bleus ont immédiatement reculé et ont voulu gérer ce score, permettant au Portugal de recoller à 2-2 et de laisser à nouveau un goût d’inachevé à la performance collective des Tricolores. Une victoires, deux matches nuls, et cinq points qui suffisent à ravir la première place du Groupe F avec désormais la Suisse en ligne de mire pour les 8e de finale. Un match abordable pour les Bleus, avec à priori l’impossibilité de voir réapparaître les défauts aperçus face à la Hongrie puisque cette fois cela sera un match à élimination direct. Les Bleus doivent en être conscients, les ingrédients affichés lors de la phase de groupes ne permettront pas d’aller au bout et il va désormais falloir que chacun augmente son niveau individuel pour espérer réaliser le doublé Coupe du Monde – Euro.

 

Les bonnes surprises individuelles : 

  • Paul Pogba :

Est-ce réellement le même joueur lorsqu’il évolue en équipe nationale et non pas dans son club de Manchester United ? Après la phase de groupes de l’Euro le doute est permis tant Paul Pogba a été rayonnant dans l’entre jeu des Bleus. Précieux dans son impact physique, très précieux grâce à sa qualité technique et sa capacité à distribuer proprement le ballon, voir même à être décisif comme lors du match face au Portugal et sa merveille de passe décisive pour Karim Benzema, Pogba est un incontournable de l’Equipe de France. Dans ce qui s’apparente à son meilleur rôle, celui de milieu relayeur, et non pas dans un couloir comme son entraineur le fait évoluer en club, Pogba aura été impérial lors du match d’ouverture face à l’Allemagne puis lors du dernier match face au Portugal. Quand l’adversité augmente, il ne sa cache pas bien au contraire il aime ça. Seul le match face à la Hongrie aura été plutôt neutre, mais dans un collectif qui a été décevant dans son ensemble. A l’aise dans les deux moitiés du terrain, ce Pogba là est un cadre des Bleus et il poursuit dans la lignée de sa belle Coupe du monde 2018.

  • Presnel Kimpembe :

C’est un changement par rapport à l’équipe championne du monde et pour l’instant Kimpembe répond plutôt présent avec un premier match très costaud face à l’Allemagne, puis un match plutôt tranquille face à la Hongrie dans un contexte où il n’a pas eu beaucoup à intervenir. Le troisième match face au Portugal aura vu la défense française encaisser deux buts mais il n’en est pas responsable puisque ce sont deux penalties provoqués par des coéquipiers. Le duel face à Ronaldo n’a pas énormément tourné à l’avantage du Portugais dans le jeu, et le Parisien semble solide dans les duels. Seul hic peut-être, une première relance qui pourrait être plus audacieuse pour casser les lignes adverses et initier des actions de but. Il faudra également espérer un apport sur coups de pied arrêtés pour définitivement faire oublier Samuel Umtiti.

  • Lucas Hernandez :

Même si Lucas Hernandez est un cadre pour Didier Deschamps, sa saison avec le Bayern Munich pouvait tout de même installer un doute dans l’esprit du sélectionneur puisque le latéral a été peu utilisé en club et surtout à un poste différent de celui qu’il occupe en Bleu. Latéral gauche avec l’Equipe de France, Lucas Hernandez a montré qu’il était le numéro 1 du groupe à ce poste malgré une forme physique en forme de point d’interrogation. D’abord décisif face à l’Allemagne, il a ensuite été laissé au repos face à la Hongrie lors du deuxième match avant de revenir dans un rôle de titulaire face au Portugal. Cela n’aura duré que 45 minutes lors du dernier match avec un changement à la pause. Pas encore annoncé forfait pour le 8e de finale face à la Suisse, son remplaçant Lucas Digne lui l’est d’ores et déjà. Reste donc à espérer que Lucas Hernandez soit opérationnel car lui aussi semble plus fort avec le maillot Bleu.

 

Les déceptions individuelles : 

  • Benjamin Pavard :

Son match face à l’Allemagne n’a pas été son pire en Equipe de France, mais il a précédé un non match total face à la Hongrie lors de la deuxième rencontre. Avec Benjamin Pavard, il y a cette fâcheuse impression qu’il n’est pas possible d’obtenir un match complet dans les deux moitiés de terrain, défensivement et offensivement. Face à la Manschaft en ouverture il s’est contenté de bien défendre et cela a plutôt fonctionné même si son apport offensif n’a pas existé. Face à la Hongrie ensuite, il a été dépassé partout, le but adverse vient de son couloir qu’il a délaissé, et ses rares courses offensives n’ont toujours pas amené de situation. Laissé sur le banc face au Portugal lors du dernier match de la phase de groupes, Pavard devrait normalement réintégrer le 11 de départ pour le 8e de finale face à la Suisse, un peu par défaut puisque ni Léo Dubois ni Jules Koundé ne sont des garanties à ce poste. En espérant que ce repos lui permette de retrouver un niveau plus en adéquation avec les ambitions des Bleus cet été.

  • Hugo Lloris :

C’est le capitaine de l’Equipe de France et à l’image du collectif France lors de cette phase de groupes, Hugo Lloris n’a pas franchement brillé individuellement. Très peu testé face à l’Allemagne en ouverture, il a concédé un but sur la seule occasion adverse ensuite face à la Hongrie lors du deuxième match. Délicat de lui imputer cette ouverture du score hongroise, mais son premier poteau semble tout de même mal couvert et c’est lors du troisième match qu’il va couter un but à son équipe avec une sortie kamikaze sur le joueur portugais Danilo. En évaluant mal la trajectoire d’un coup franc, Lloris est venu percuter le milieu du Portugal en pleine tête et cette faute a valu un penalty logique. Averti d’un carton jaune, Lloris s’en est même bien sorti puisque de l’autre côté Danilo a du laisser sa place à la mi-temps, encore sonné après le choc violent.

  • Kylian Mbappé :

Pas forcément le plus mauvais des Bleus lors de cette première phase de l’Euro, mais il faut dire que Kylian Mbappé a désormais un statut qui fait de lui la principale attraction de cette équipe. Les attentes sont très élevées, et l’attaquant parisien n’a pas encore montré l’étendue de son talent. A sa décharge, son positionnement ne me paraît pas être celui qui le met le plus en valeur. Exilé dans un couloir gauche qui le restreint dans sa zone de jeu, Mbappé s’autorise tout de même quelques courses dans l’axe et c’est précisément dans cette zone plus axiale qu’il est un danger pour les défenses adverses. C’est ici qu’il a amené le but français face à la Hongrie, puis le penalty face au Portugal, et qu’il peut être libre de trouver des espaces pour se projeter vers la surface de réparation adverse. J’aimerais vraiment qu’il soit repositionné dans un rôle axial permanent, aux côtés de Karim Benzema, et que Didier Deschamps arrête de le cantonner à un rôle d’ailier qui lui convient moins bien.

 

Les joueurs qui doivent confirmer :

  • Karim Benzema :

D’abord muet lors des deux premiers matches face à l’Allemagne puis la Hongrie, Karim Benzema s’est ensuite libéré avec un doublé face au Portugal lors du dernier match. Un penalty d’abord, qu’il tenait à tirer pour lancer son euro, puis un but dans le jeu grâce à une belle passe décisive en profondeur de Paul Pogba. C’est précisément ce deuxième but qui est intéressant car il illustre exactement ce à quoi doit s’atteler Karim Benzema pour le reste de la compétition. Capable de décrocher pour participer à la construction des actions grâce à sa qualité technique, Benzema ne doit pas en oublier son rôle de buteur et de finisseur dans cette équipe. Sa course vers la surface de réparation adverse pour demander le ballon et son face à face réussi avec Rui Patricio ont montré qu’il en était également parfaitement capable et le meilleur buteur de la saison en club avec le Real Madrid doit pouvoir répéter ce schéma à partir des 8e de finale. En Bleu, des joueurs comme Antoine Griezmann ou Paul Pogba sont capables de s’occuper de l’animation et de la création plus bas sur le terrain, et même si l’apport de Benzema dans la conservation du ballon est précieux, il doit également peser dans la surface adverse pour faire de cette équipe une vraie machine offensive.

  • Adrien Rabiot :

Plutôt très intéressant face à l’Allemagne en ouverture de l’Euro, Adrien Rabiot a ensuite disparu face à la Hongrie à l’image du collectif français. Le contraste entre les deux matches est assez saisissant et c’est la première version du joueur de la Juventus qu’il faut retrouver pour la suite de la compétition si les Bleus veulent aller au bout. Celui capable de gagner ses duels, capable de combler les brèches défensivement, et même de se projeter offensivement comme ce fut le cas avec une frappe sur le poteau face à l’Allemagne. Rien de tout cela n’a été perceptible ensuite face à la Hongrie, et Rabiot a été laissé sur le banc pour le dernier match face au Portugal au profit de Corentin Tolisso dont l’entrée en jeu face à la Hongrie fut intéressante. Finalement, Rabiot est entré en début de seconde période du match face au Portugal à la suite des blessures de Lucas Hernandez puis de Lucas Digne, pour jouer à un poste de latéral gauche inhabituel. Son apport a été intéressant, et c’est le Rabiot du premier match qui a été retrouvé. Il devrait réintégrer le 11 titulaire lors du 8e de finale, mais cette fois l’erreur ne sera pas permise.

  • Raphaël Varane :

Il doit être le patron de la défense des Bleus et si cela fut le cas lors du premier match face à l’Allemagne, Raphael Varane a semblé plus en difficulté ensuite face à la Hongrie quand son équipe a montré moins de maitrise. Lui aussi a semblé plus fébrile, moins dominateur dans ses duels, ses couvertures, et ses relances, mais globalement son association avec Presnel Kimpembe en défense centrale reste une satisfaction lors de cette phase de groupes. Raphaël Varane pourrait se montrer encore plus rassurant lorsque le bateau tangue légèrement, dans sa gestuelle corporelle notamment, mais il ne devrait pas être une source d’inquiétude à priori pour la suite de la compétition.

  • Antoine Griezmann :

Décisif face à la Hongrie grâce à son but égalisateur, dans un match où tous ses partenaires ont coulé, Antoine Griezmann reste l’un des patrons de cette équipe de France version Didier Deschamps. Ses deux autres matches face à l’Allemagne et au Portugal n’ont pas laissé un souvenir impérissable et il est largement capable d’en montrer encore davantage lors de la suite du tournoi. Précieux techniquement pour construire et amener les actions de son équipe, Griezmann est également capable de se projeter dans la surface adverse pour amener le surnombre et se montrer décisif comme ce fut le cas à Budapest. Peut-être encore à la recherche de ses repères avec l’arrivée de Karim Benzema qui décroche beaucoup dans sa zone, trop peut-être pour l’instant, Griezmann reste un maillon fort du 11 de départ des Bleus et doit entamer une montée en puissance pour se montrer à nouveau décisif sur la suite de la compétition.

  • N’Golo Kanté :

Il aurait parfaitement pu se trouver dans la liste des bonnes surprises à l’issue de cette phase de groupes des Bleus, mais N’Golo Kanté nous a habitué à un niveau si élevé que ce soit en Bleu ou en club que les attentes sont désormais conséquentes. Après une longue saison à Chelsea qui l’aura vu mener les Blues sur le toit de l’Europe, on sent Kanté encore dans la réserve même si son apport se fait déjà sentir. Il est le Bleu qui a le plus couru lors des trois premiers matches (32 kilomètres), il récupère toujours un nombre intéressant de ballons grâce à son activité, mais c’est dans ses projections vers l’avant qu’il pourrait encore se montrer plus tranchant pour percer les lignes adverses et amener le surnombre. Nul doute qu’il répondra présent face à la Suisse et pour la suite de l’Euro, et il est de toute façon d’ores et déjà l’une des pièces essentielles de cette équipe de France.

Emmanuel Trumer