Pièce essentielle du dispositif de Jurgen Klopp à Liverpool, Fabinho est aujourd’hui l’un des tous meilleurs numéro 6 de la planète football. A son poste de milieu défensif, très peu de joueurs peuvent se targuer d’avoir un apport tel que le Brésilien qui profite également d’une organisation parfaite dans le club des Reds. Déjà vainqueur de la Ligue des Champions et de la Premier League, l’infatigable récupérateur de ballon peut se projeter avec sérénité.
Pour obtenir la quintessence d’un joueur à un poste il faut bien évidemment que celui-ci possède des qualités individuelles mais cela ne suffit pas, le contexte collectif et le schéma mis en place sont des critères tout aussi importants pour permettre à des individualités de s’exprimer pleinement. Fabinho n’a d’ailleurs pas toujours été un numéro 6 de métier, puisque c’est au poste de latéral droit qu’il est formé, au Portugal puis dans l’équipe réserve du Real Madrid. Une équipe du Real qui soit dit en passant a laissé filer quelques jolies pépites ces dernières années avec Theo Hernandez, Achraf Hakimi, ou Fabinho. C’est Monaco qui a flairé le bon coup pour le Brésilien et c’est à Leonardo Jardim que l’on doit l’explosion du désormais international auriverde.
A son arrivée sur le Rocher, en 2013, Fabinho a tout d’abord occupé le poste de latéral pendant quelques temps mais une évidence est rapidement apparue : ses qualités sont celles d’un milieu de terrain. Le longiligne brésilien ne se distingue pas par une qualité de vitesse particulière, par une capacité à répéter les courses, mais ses qualités intrinsèques sont ailleurs avec une vision du jeu largement au-dessus de la moyenne, un sens du placement inné, et une qualité technique dans la passe très intéressante. C’est tout naturellement que l’entraineur monégasque installe Fabinho au poste de sentinelle, de numéro 6, et le résultat a été immédiat. L’international brésilien est aujourd’hui inévitable dans cette position, et fait certainement partie des trois meilleurs joueurs à son poste avec Rodri de Manchester City et Casemiro du Real Madrid.
Avec Jardim et son schéma collectif audacieux, Fabinho atteint la demi-finale de la Ligue des Champions aux côtés de Bernardo Silva, Kylian Mbappé, Radamel Falcao, entre autres, et n’a pas échappé à l’exode massif lorsque le club monégasque a voulu tirer des bénéfices financiers de la cohérence sportive du terrain. Transféré pour 60 millions d’euros à Liverpool en 2018, cette somme apparait aujourd’hui comme dérisoire tant l’apport a été précieux. Les trophées collectifs, évidemment, mais surtout un épanouissement total dans son rôle individuel. La dernière finale de Ligue des Champions, disputée cette saison face au Real Madrid, a mis en lumière le rôle absolument primordial du génial joueur brésilien.
Jardim le précurseur, puis l’évidence
La capacité de Fabinho à occuper les bons espaces, à couper les possibilités de passes chez l’adversaire, tout en ayant une possibilité à faire le jeu avec ballon sont des atouts exceptionnels. C’est d’ailleurs en grande partie à cause de Fabinho que Benzema a été coupé du reste de son équipe madrilène, et ce n’est absolument pas un hasard si l’unique but des Merengue est arrivé par les deux couloirs : Valverde à la passe dans le couloir droit pour Vinicius buteur dans le couloir gauche. L’axe du terrain était complétement verrouillé par Fabinho.
Le joueur brésilien n’est pas un profil individuel qui est mis en avant, ce n’est pas un joueur qui dribble à tout va, qui élimine, mais son intelligence de jeu dépasse de loin tous ces concepts pour permettre à ses équipes de garder un équilibre si précieux. En plus de sa capacité à garder sa propre moitié de terrain, Fabinho excelle dans la moitié de terrain adverse pour organiser le jeu balle au pied et dicter le tempo des phases de possession. Dans une équipe de Liverpool, entrainée par Jurgen Klopp, qui alterne allégrement ces deux séquences : la capacité à se replier assez bas pour se projeter en contre avec des espaces libres, et la capacité également à faire courir l’adversaire grâce à des phases de possession face aux équipes plus regroupées. C’est en ce sens que Fabinho est la pièce maitresse de cette équipe.
Bien évidemment, et comme tout joueur, Fabinho a besoin d’avoir d’autres individualités au niveau à côté de lui en plus d’un schéma collectif cohérent et Virgil Van Dijk, Joel Matip, Alexander Arnold, Robertson, pour ne citer qu’eux sont des garanties suffisantes rien que dans le secteur proche de Fabinho. Mais le génie du Brésilien se trouve dans le fait d’être compatible avec toutes les lignes de l’équipe de Liverpool, capable de jouer très proche de sa surface de réparation et de ses défenseurs mais également proche de la surface adverse et d’être un relai technique extrêmement fiable pour les autres milieux de terrain et la ligne offensive avec les attaquants.
Âgé de 28 ans et avec un contrat jusqu’en 2026, le prix de Fabinho atteint aujourd’hui des sommets et il semble très peu probable que Liverpool accepte de s’en séparer pour moins de 120 millions d’euros. Un prix qui reflète un profil rare, si précieux, et une expérience du haut niveau. Avec l’arrivée d’un vrai numéro 9 en la personne de Darwin Nunez du côté de Liverpool, la fameuse colonne vertébrale des Reds est désormais complète : Alisson dans les buts, Van Dijk en défense centrale, Fabinho au milieu de terrain, et l’attaquant Darwin Nunez pour terminer les actions et peser dans les derniers mètres adverses. Il serait logique que Fabinho ait envie de poursuivre l’aventure pour tenter de ramasser d’autres trophées collectifs, puisque son poste et son rôle ne permettent pas réellement de prétendre aux récompenses individuelles. Une anomalie, mais qu’importe puisque la grandeur de ce joueur se situe ailleurs et notamment dans la capacité à faire gagner ses équipes. Fabinho, le graal des 6, et un cerveau hors du commun.
Emmanuel Trumer