Grâce à une fin de saison au rythme d’un boulet de canon, l’AS Monaco est parvenu à monter sur la troisième marche du podium de Ligue 1. Une issue qui ne qualifie pas automatiquement le club du Rocher pour la phase de groupes de la prochaine édition de Ligue des Champions, mais le résultat est déjà satisfaisant après une saison longtemps décevante. L’ASM devra passer par les barrages, comme l’année dernière, mais avec l’expérience du vécu cette fois-ci.
Si la question avait été posée aux supporters de l’AS Monaco il y a quelques semaines de cela encore, nul doute que nombre d’entre eux auraient signé pour un dénouement comme celui-ci. Longtemps englué dans un ventre mou du classement de Ligue 1, entre la sixième et la dixième place, l’ASM a même changé de coach en cours de saison. Niko Kovac a été démis de ses fonctions, et Philippe Clément est arrivée en Principauté pour tenter de redonner des couleurs à un effectif qui en avait largement besoin. Les méthodes de l’entraineur allemand étaient arrivées à leurs limites, tant sur le point physique que tactique. Très peu flexible dans sa préparation et dans ses choix sur la manière d’organiser son équipe, Kovac avait petit à petit perdu ses joueurs et son vestiaire. Rigide dans son 3-4-3 qui ne parvenait plus à obtenir de résultats, mais également dans une philosophie de jeu qui consistait à penser sans ballon en premier lieu. Dans un effectif armé pour jouer les premières places de Ligue 1, la volonté d’appuyer toujours plus sur les efforts à la récupération au lieu de penser à construire le jeu a usé mentalement des joueurs qui ne comprenaient plus dans quelle direction ils devaient avancer. L’utilisation individuelle a également été un immense point d’interrogation, avec des cadres comme Wissam Ben Yedder qui ont perdu leur place de manière totalement incompréhensible. Kovac pensait pouvoir gagner avec ses idées, comme beaucoup d’autres entraineurs, et il aura fallu l’intervention judicieuse de la direction pour mettre un terme à une épisode qui n’aboutirait pas.
Le technicien belge Philippe Clément est arrivé sur le Rocher, et malgré des débuts très compliqués il a finalement réussi à trouver une cohérence dans les schémas tactiques, l’utilisation de ses joueurs et notamment des cadres qui avaient perdu leur place. Wissam Ben Yedder est à nouveau rayonnant et a même terminé la saison de Ligue 1 à la deuxième place du classement des meilleurs buteurs derrière Kylian Mbappé, mais il n’est pas le seul à avoir retrouvé le plaisir de jouer : Fofana, Maripan, Golovin, sont d’autres exemples du renouveau du vestiaire monégasque et de la relance mise en place en Principauté. Sur le plan tactique, Clément aura également réussi à trouver une stabilité qui aura permis d’aboutir à neuf victoires consécutives, presque dix, et donc cette troisième place de Ligue 1.
Ce fait marquant ne doit pas faire oublier que l’ASM a évolué dans une Ligue 1 au ralenti, où des habituels prétendants au podium ont connu des saisons encore plus compliquées (Lyon, Lille). L’arrivée de Philippe Clément sur le banc monégasque a d’ailleurs été laborieuse au début, et des premiers doutes sont rapidement apparus. L’élimination en Ligue Europa face à Braga, l’élimination en demi-finale de la Coupe de France face à Nantes également, et des premiers résultats en Ligue 1 peu satisfaisants ont amené une réflexion nécessaire sur le Rocher. La rencontre face à Nantes aura d’ailleurs été l’occasion d’apercevoir toutes les lacunes en plein match, alors que l’ASM vient d’encaisser un but et que le technicien doit indiquer à ses joueurs le schéma tactique après un quart d’heure de jeu. Tous ces évènements relèvent désormais du passé, et c’est dans un 4-4-2 que Monaco a trouvé sa constance sportive. Grâce à un milieu axial avec Tchouameni et Fofana, et des couloirs occupés par Golovin et Vanderson. Ben Yedder qui était complétement isolé à la pointe de l’attaque a été soutenu par Kevin Volland, et Monaco s’est remis à gagner. Concernant la philosophie de jeu pure, la capacité à maitriser ses matches, l’ASM n’est toujours pas au niveau attendu mais le contenu est aujourd’hui bien plus intéressant qu’il n’a pu l’être par le passé et doit désormais trouver une régularité pour éviter de tout miser sur une série de victoires en fin de saison.
Monaco déjà armé pour viser les hauteurs
L’effectif de l’ASM possède déjà une qualité évidente permettant de mettre en place des idées de jeu séduisantes et différents schémas tactiques. Le 4-4-2 actuel permet à Monaco deux choses primordiales : être capable de subir et d’accepter la pression de l’adversaire avec ballon, mais permet également de faire mal offensivement lorsque l’ASM prend le jeu à son compte. Soit sur des transitions rapides grâce aux espaces laissés par les adversaires, soit par une densité offensive accrue et capable de peser sur des blocs adverses regroupés devant leur surface de réparation. Monaco n’est toujours pas flamboyant dans le jeu, il s’agit d’ailleurs ici de la prochaine étape et du prochain objectif, mais l’ASM est enfin une équipe qui gagne ses matches. Pour franchir le palier supérieur, Monaco doit maintenant être capable de penser une organisation qui offre l’opportunité d’avoir la maitrise totale de ses matches, avec des profils individuels qui sont déjà présents dans l’effectif. Le positionnement dans le couloir gauche de Golovin est compréhensible et rendu possible grâce au volume de course du polyvalent milieu offensif. Mais ce profil si rare pourra encore davantage s’exprimer dans une position axiale, en numéro 8 ou en 10. Dans la même idée, Sofiane Diop possède les qualités pour penser à contrôler le jeu, et le réservoir de jeunes formés à Monaco prouve également qu’il est possible d’avancer dans ce sens.
Le mercato à venir sera également important pour viser toujours plus haut, et des profils précis peuvent apporter encore davantage de profondeur à l’effectif monégasque. Un ailier gauche et un ailier droit seraient bienvenus pour concurrencer un secteur trop peu fourni avec seulement Gelson Martins et Krépin Diatta. Un milieu de terrain capable d’évoluer dans les 30 derniers mètres adverses doit également être un objectif, et un joueur en Ligue 1 coche actuellement toutes ses cases : Benjamin Bourigeaud. En fin de contrat dans un an dans son club de Rennes, l’ASM aurait tout intérêt à faire le forcing pour conserver en France un joueur si intéressant. Séko Fofana, le milieu lensois, pourrait être une solution viable pour remplacer le probable départ de Tchouaméni, et un défenseur central permettrait de stabiliser un secteur encore fragile.
Monaco ne peut plus compter sur Luis Campos pour organiser cette fenêtre de recrutement précieuse, et Paul Mitchell devra prouver que ses erreurs l’été dernier n’étaient que la conséquence d’un apprentissage sur le Rocher. Il peut d’ailleurs s’inspirer des méthodes du directeur sportif Luis Campos aujourd’hui proche de s’engager avec le PSG, avec un réseau de recruteurs installé partout en Europe, dans les championnats majeurs évidemment, mais également dans les championnats beaucoup moins en vue. De longues semaines d’observations, l’étude des contrats pour frapper au bon moment au niveau du prix déboursé, mais surtout une cohérence mise en place avec l’entraineur en poste pour cibler les postes à renforcer. Si cela suffisait alors tous les clubs au monde pourraient bénéficier de ce fonctionnement, et les clubs français doivent encore comprendre l’importance d’un réseau de recrutement très peu installé en France. La justesse dans l’analyse, la capacité à repérer les bons profils, celle à agir avant les autres, sont des vertus que l’ASM devra encore montrer pour espérer viser toujours plus haut.
Emmanuel Trumer