Avec des compétitions toujours plus longues, et même l’instauration de nouveaux tournois dans les calendriers des clubs et des sélections, le risque d’un trop plein est assez flagrant. Plusieurs joueurs se plaignent d’ailleurs ouvertement du rythme imposé, et si cela peut paraître dérisoire il existe tout de même un danger de rendre ce calendrier global beaucoup moins séduisant.
Kevin De Bruyne n’est pas le seul joueur professionnel à avoir publiquement critiqué un calendrier qui tend vers toujours plus de matchs. La Ligue des Nations était dans viseur du milieu de terrain de Manchester City, mais une nouvelle compétition en club pourrait également voir le jour. « Pour moi, la Ligue des Nations n’est pas importante. Nous devons jouer ces matchs, mais cela ressemble à une campagne de matchs amicaux. Nous n’avons rien à dire à ce sujet. En 12 mois, nous avons 3 semaines de vacances. Les gens de l’extérieur ne comprennent pas ce que ressent un joueur après une saison. Mais ils n’ont pas à le faire, car cela ne changera rien. Ce n’est même pas la peine de le mentionner, rien ne changera de toute façon. »
En réalité cela pourrait facilement passer pour un caprice, voir même de la fainéantise, mais il faut bien comprendre que le rythme d’un joueur de football professionnel est aujourd’hui malmené par les instances. Le risque est évident et surtout très important pour les spectateurs : une perte de qualité sur les matchs car les joueurs peuvent mettre le frein à main lorsqu’ils estiment nécessaire de se préserver. Un club européen engagé en Coupe d’Europe, peu importe laquelle : Ligue des Champions, Europa League, et même Conférence League la dernière arrivée, devra compter plus de cinquante rencontres sur la saison avant de s’envoler en sélection nationale pour disputer les qualifications aux compétitions internationales et donc, également, la Ligue des Nations.
Concrètement, les phases de repos obligatoires pour un sportif de haut niveau sont oubliées et le choix pour un staff est désormais compliqué : mettre l’accent sur des entrainements nécessaires mais également énergivores sur le peu de temps présent entre les matchs, et accorder des jours de repos que les joueurs réclament pour permettre à leur corps de se régénérer. C’est ici que l’importance des staffs de kinés et de médecins ont pris une tournure toute particulière dans le football professionnel moderne, avec l’obligation d’avoir une vision rigoureuse et précise du calendrier à tenir pour optimiser les formes individuelles et collectives. Pep Guardiola ne s’en est d’ailleurs pas caché, à juste titre, puisqu’il a volontiers admis en conférence de presse que son staff médical était aujourd’hui le plus important. Ironiquement lorsqu’on connait l’amour de Pep Guardiola pour lui-même, mais pas à tort en tout cas.
Une seule raison, les rentrées d’argent
Pas peu fière d’alourdir encore et toujours le calendrier, les instances ont également prévue un tournoi … en aout, soit la date de reprise des championnats nationaux pour les clubs. Avant même le début des compétitions européennes, certaines entités se verraient engagées dans un pré tournoi qui n’a strictement aucune valeur, aucun attrait, mais qui rapporterait de l’argent dans les caisses. Il faut comprendre que si ces compétitions voient le jour, c’est avec l’accord de clubs qui voient ici l’opportunité de rattraper leur mauvaise gestion. C’est un serpent qui se mord la queue : les clubs ne travaillent pas correctement, sont obligés de jouer ces compétitions pour combler les déficits, et leurs matches sont de moins en moins bons. Les clubs espagnols notamment, qui vivent avec des dettes abyssales, doivent trouver des moyens de renflouer les caisses et s’ils ont même pensé à demander un investissement de leurs supporters, l’ajout de compétition a semblé moins honteuse.
Les phases de récupérations et les entrainements ne trouvent plus de place dans ces calendrier toujours plus lourds, et il faut désormais trouver de nouvelles idées pour mettre en place des choses cohérentes avec ses joueurs pour un entraineur. Certes, arrivé à ce stade la question de la formation des joueurs ne se posent plus mais les mises en place tactiques, les circuits techniques, sont malmenés pour les rares qui souhaitent en mettre en place. Pour le reste cela ne change pas grand-chose de toute façon, ils se contentent d’encaisser sans broncher.
Les joueurs se trouvent dans des situations de choix compliqués, avec des clubs qui leur assurent un salaire et donc une carrière, et des sélections nationales qui sont le reflet d’un pays tout entier et d’un espoir populaire beaucoup plus large. La Ligue des Nations, récemment, a montré que le calendrier n’était plus tenable et des joueurs ont été autorisé à quitter leur rassemblement pour profiter de quelques jours supplémentaires. Il ne faut pas confondre les dates historiques, comme le Boxing Day en Angleterre par exemple ou dans d’autres championnats, qui sont des concepts précieux et historiques, et l’ajout toujours plus important de compétitions qui n’ont de compétitif que le nom. L’objectif est ailleurs, il est financier, mais le risque est bien plus important : une perte de qualité toujours plus grande du contenu footballistique.
Les joueurs ne sont pas des machines, même formés à enchainer les rencontres, et les corps humains se fatiguent pour les plus professionnels. Des solutions peuvent être trouvées, et l’arrivée d’une Ligue 1 à dix-huit clubs n’est pas une si mauvaise idée. Les autorités françaises ont également enlevé une compétition comme la Coupe de la Ligue, et ces initiatives devraient permettre au football français de tirer son épingle du jeu. C’est en ce sens qu’il faut avancer, et non pas vouloir réformer à tout prix avec toujours plus de matches en étant attiré uniquement par des gains toujours plus grands. La qualité amènera des sommes financières, le contraire pourrait être à l’origine d’un danger non négligeable.
Emmanuel Trumer