En lice pour remporter la 14e Ligue des Champions de son histoire, le Real Madrid est en train de vivre une nouvelle saison au sommet. Grâce à un titre de Champion d’Espagne acquis d’une main de maître tout d’abord, puis grâce à un parcours qui frôle l’irréel en Ligue des Champions. Le Paris Saint-Germain, Chelsea, et Manchester City, trois favoris à la victoire finale ont été balayés par le Real Madrid. Pas tant dans un contenu qui ne relève pas de la plus grande époque de ce club, mais dans une organisation et une certitude d’y arriver qui montrent toute l’étendue de la stabilité de ce club. Alors que le renforcement de l’effectif est annoncé pour cet été, le Real Madrid n’a même pas eu besoin de cela pour atteindre tous ses objectifs et bien plus.
Si l’on avait demandé aux supporters du Real Madrid en début de saison leurs attentes pour l’exercice à venir, peu auraient pu annoncer un tel final avec un titre de Champion d’Espagne acquis facilement en Liga et des scénarios totalement rocambolesques en Ligue des Champions pour venir à bout de tous les favoris du tournoi. Il ne manque plus que Liverpool en finale, mais aujourd’hui cette équipe semble si certaine de ses forces qu’elle est presque impossible à arrêter. Avec l’arrivée de Carlo Ancelotti l’été dernier, le choix était de retrouver une stabilité dans le jeu tout en étant capable d’agir sur les rencontres décisives en Ligue des Champions. Le plan s’est déroulé à merveille et le titre en Liga s’est joué rapidement grâce aux certitudes dans le jeu et un schéma tactique qui a fait les beaux joueurs du Real Madrid. Zinédine Zidane avait tenté de modifier ce schéma, mais avec une défense à 5 qui ne pouvait pas coller. Ancelotti a pris le problème dans l’autre sens et a toujours cherché à avancer tactiquement. Par avancer j’entends ici une volonté de stabiliser un fond de jeu tout en gardant la possibilité de le rendre encore plus audacieux en réajustant ses joueurs.
Carlo Ancelotti se permet également d’agir grâce à des changements toujours bien sentis, et finalement le fait de ne pas avoir fait appel à la totalité de son groupe n’aura même pas été un handicap. Carlo Ancelotti est tellement sûr de ses forces, qu’il a pu se passer d’un joueur comme Eden Hazard toute la saison pour valoriser une idée de groupe qui finalement lui donne raison. Ancelotti était dans le vrai depuis le départ, et si son club du Real lui permet d’atteindre ses objectifs (nous y reviendrons) c’est également au manager italien que le mérite revient. Installé dans un 4-3-3 qui colle parfaitement aux profils de son groupe, avec un milieu de terrain inamovible : Casemiro – Kroos – Modric, Ancelotti est parvenu à intégrer les jeunes joueurs comme Camavinga, Rodrygo, Valverde, et leur apport aura été crucial pour aider une ossature vieillissante. Que ce soit Casemiro, Kroos, et à moindre mesure Modric qui a toujours un niveau aussi exceptionnel, tous ont eu besoin de l’apport du banc pour trouver une cohérence globale et surtout une constance sur 90 minutes d’abord, mais sur la durée du championnat et de la Ligue des Champions également. Face au PSG, puis face à City, le Real Madrid n’aurait jamais pu passer sans l’apport de son banc et de ses jeunes joueurs.
Nous reparlerons de l’inévitable duo Vinicius – Benzema, mais c’est un ensemble cohérent qui a permis à ce club d’atteindre à nouveau tous les plus hauts objectifs. Des choix intéressants sur le banc, et nous l’avons évoqué une structure club qui permet de travailler dans une sérénité parfaite. Certains retiendront certainement la possible faute de Karim Benzema sur Gianluigi Donnarumma en 8e de finale, élément déclencheur de la première remontada, ou le petit brin de réussite avec l’arrêt de Courtois face à Grealish à la fin de la demi-finale retour, mais un parcours aussi réussi ne repose pas sur des éléments aussi aléatoires et c’est bien grâce à la force mentale de ses joueurs, inculquée par le club, que le Real Madrid a pu se sortir de situations aussi compliquées. Grâce à un duo de joueurs qui a atteint un niveau assez invraisemblable également. Avec Vinicius à gauche et Benzema en pointe, le Real s’est assuré le total de 72 buts et 31 passes décisives. Ce sont les statistiques de la plupart des autres équipes, dans leur entièreté, quand nous parlons ici de deux joueurs sur onze au Real Madrid.
Un effectif non renouvelé, mais des idées précises
Avec l’apport d’un Eduardo Camavinga, brillant depuis son arrivée, capable de distribuer le jeu mais aussi capable d’augmenter son volume de courses pour abattre un précieux travail à la récupération, avec le choix de titulariser Valverde au poste d’ailier droit pour contenir City pendant 60 minutes avant de lâcher les chevaux, le Real a construit une ossature et une possibilité de changer de rythme pour faire mal à ses adversaires. Sur le papier pourtant, et même dans le contenu pur du jeu affiché, cette équipe ne se situe pas au niveau des adversaires qu’elle a affronté en Ligue des Champions et c’est ici que réside l’exploit de cette institution capable de renverser des montages avec ses idées. Les titulaires ont compris qu’ils n’avaient pas 90 minutes dans les jambes, les jeunes remplaçants ont compris que leur apport serait précieux en sortie de banc, et c’est tout un groupe qui a avancé sous la houlette de son coach Carlo Ancelotti, père et maitre d’un groupe qui ne demandait que ça. Le Real gagnerait à penser une nouvelle solution pour la saison prochaine, en plus de l’arrivée probable de Kylian Mbappé, et un secteur axial qui manque d’un créateur capable d’évoluer en pur numéro 10. Un profil précieux lorsqu’il faut créer le jeu, ce que doit faire le Real Madrid à chaque match.
Un effectif tenu parfaitement par un Président également, qui ne laisse jamais personne passer au-dessus d’une institution assez forte pour faire avec les contre temps. Le Real Madrid est certainement le plus grand club du Monde et nous avons compris pourquoi cette saison. Reste maintenant à clore cette année de la plus belle des manières, avec un trophée qui se trouve à 90 minutes, au terme d’une confrontation face à Liverpool au Stade De France. Là encore il serait délicat de se lancer dans un pronostic puisque même si les Reds ont montré un contenu plus dense lors des dernières semaines et des derniers mois, nous avons un contexte absolument similaire aux rencontres précédentes. Hormis Chelsea qui ne présente aucune certitude dans le jeu, le Real était moins armé dans le contenu que les autres. Il ne faudrait pas oublier non plus que Liverpool a déjà disputé deux finales cette saison (les deux finales de Coupes anglaises) et n’a pas marqué un seul but lors de ces deux finales. A chaque fois Chelsea a poussé Liverpool à la séance de tirs au but (0-0 et victoire Liverpool à chaque fois) mais nous avons ici un focus intéressant puisque Liverpool joue sans attaquant de pointe.
Le Real Madrid peut compter dans ses rangs le prochain Ballon d’Or 2022 avec Karim Benzema, et sa capacité à terminer les actions cette saison prouve qu’il est un avantage absolument crucial. C’est un joueur dont Liverpool ne dispose pas, et même si Sadio Mané est parvenu à inscrire des buts en pointe, ce n’est pas un numéro 9. Lorsque les espaces se réduisent en Coupe, alors Mané a plus de mal à peser. Le choix du Real Madrid concernant son couloir droit sera à scruter, avec un Valverde qui pourrait être titularisé pour bloquer Luis Diaz et ses courses à répétition, dans la même idée que le match retour face à City. Rodrygo serait alors une solution en cours de match, pour apporter sa vitesse, sa capacité de dribble, mais surtout sa présence dans la surface de réparation adverse. Un domaine beaucoup plus naturel qu’il ne l’est pour Valverde. Nous avons ici en tout cas une analyse parfaite des profils individuels, des raisons d’aligner tel ou tel joueur dans chaque circonstance, et ce mélange amène un club moins armé que les autres à pouvoir disputer tous les trophées. Incontestable en Liga, chahuté mais toujours en Ligue des Champions, le Real Madrid prouve que le football est simple lorsqu’il est construit avec le cerveau. Un club qui sera encore plus fort si Mbappé était amené à les rejoindre cet été, mais qui trouverait une solution de remplacement dans le cas contraire pour son couloir droit. Valverde intégrerait la rotation d’un milieu de terrain qui n’est pas éternel, mais qui permet encore à ce club de viser le plus haut possible. Le Real lui est éternel, sa stabilité est éternelle, et il s’agit ici de l’un des clubs les plus forts de l’histoire. Madrid ne pourra pas mourir puisque les valeurs sont si importantes qu’elles se transmettent. Un modèle de travail, d’intelligence, et un petit brin de génie.
Emmanuel Trumer